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GOLDSCHMIDT VICTOR (1914-1981)

Né à Berlin, Victor Goldschmidt appartenait à une famille de juristes. Son père, honoré d'une réputation internationale et dont les travaux récemment réédités font encore autorité, fut doyen de la faculté de droit de Berlin ; il se démit de ses fonctions en 1933. Ses frères embrassèrent la carrière juridique. Lui-même, après avoir achevé le cycle secondaire par un mémoire consacré à Hölderlin entreprit des études classiques sans pour autant négliger le droit. C'est alors qu'il se lia d'amitié avec le théologien Dietrich Bonhoeffer (exécuté en 1945 au camp de Flossenburg), quand celui-ci enseignait à l'université Humboldt. En 1933, il quitta l'Allemagne sous la menace des ordonnances racistes. Après un bref séjour en Suisse, il acquit une licence de lettres en Sorbonne. Disciple de G. Dumézil et de H. Margueritte, c'est à l'École pratique des hautes études qu'il soutint son mémoire (Essai sur le « Cratyle »). Naturalisé en 1939, il devança l'appel par un engagement volontaire. Prisonnier en Autriche après la bataille des Ardennes, puis rapatrié par train sanitaire, il séjourna clandestinement dans la zone non occupée avant de participer aux opérations de libération du maquis de l'Aygoual. Il prépara la thèse de doctorat d'État sous la direction de É. Bréhier (Les Dialogues de Platon, Structure et méthode dialectique, 1947). Au terme d'un séjour au C.N.R.S. et d'une charge de monitorat en Sorbonne, il poursuivit une carrière de professeur dans diverses universités de province.

Incapable, par tempérament, de sacrifier aux honneurs universitaires, il leur préféra l'amitié intellectuelle, dont celle qui le lia au maître platonicien de Princeton, H. Cherniss. L'autorité d'un enseignement exigeant, mais d'une générosité exceptionnelle, qualifie également une œuvre aussi admirablement construite que novatrice. La seule liste de ses ouvrages confirmerait suffisamment son titre d'éminent historien de la philosophie. Sans récuser une appellation externe et commode, il reste à dire comment V. Goldschmidt a transformé la méthode et jusqu'à l'objet de cette science. Ne serait-ce que pour avoir été, en cela proche de Martial Gueroult, l'un des premiers représentants du structuralisme français dont le moment n'est pas encore venu de fixer l'apport ni la diversité.

De l'historien on reconnaîtra d'abord le style, dense et limpide. Goldschmidt s'est en cela approché de ces philosophes du xviiie siècle qu 'il pratiqua avec la même dilection que les Grecs, pour une œuvre où il s'est aussi agi De la manière d'étudier et de traiter l'histoire. Mais cette affinité voulue ne dirait encore que la moitié des choses. Il fallait à l'auteur une intelligence infaillible de sa méthode, et une application constante à son propos, pour maîtriser une si ample matière dans l'économie d'une pensée transcendantale. On y reconnaîtrait aussi justement la pugnacité de Heine ou de Nietzsche, et un sentiment luthérien de la responsabilité du philosophe.

Goldschmidt avait le projet d'un livre où il eût exposé les implications philosophiques de cette méthode structurale qu'il mit à l'épreuve dans chacun de ses livres. Qu'il soit permis d'en demander le problème inducteur aux écrits méthodologiques où il s'en est ouvert. Confronté à cette doxa hégélienne, peu contestée ni contestable, que « la philosophie tend à devenir histoire de la philosophie », il en subordonna l'assertion spéculative (où l'on suppose quelque phénoménologie de l'esprit) aux conditions d'intelligibilité des œuvres philosophiques. Hors du système hégélien et à défaut de ce préalable criticiste, l'historien serait victime d'une quatrième illusion transcendantale, d'une nouvelle[...]

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Écrit par

  • : professeur à l'École normale supérieure de jeunes filles

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Pour citer cet article

Claude IMBERT. GOLDSCHMIDT VICTOR (1914-1981) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

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