Abonnez-vous à Universalis pour 1 euro

LARBAUD VALERY (1881-1957)

Découvrir des anges

D'où sa préoccupation de style et de technique. Car l'élément le plus paradoxal chez Larbaud est sans doute cette ouverture sur la jeune littérature, une assurance quant à la direction de son évolution, un doigté infaillible pour en tirer le plus grand profit sans excès et pour veiller à son assimilation. D'un côté, c'est à Larbaud qu'on doit la découverte de Joyce (et le premier essai sur Ulysse), Svevo, et dans une certaine mesure Faulkner, ainsi que la redécouverte de toute une série de poètes français des périodes antérieures. Mais, surtout, certains aspects de ses propres ouvrages sont en eux-mêmes innovateurs. Puisque c'est l'ambiance d'un lieu, d'un état de composition qu'il veut communiquer et non pas une intrigue, des personnages, ou une description psychologique proprement dite, Larbaud a créé un style qui lui permet, par le moyen d'un « monologue intérieur » infiniment modulé, divers, nuancé, de suggérer l'érotisme « innocent » chez les enfants, cette arabesque ambiguë qui caractérise la période de l'adolescence, comme tous les moments de modification et d'indécision. Ce n'est pas seulement décrit ; on en ressent l'état un peu frémissant dans la lecture, tout en apercevant en même temps en filigrane le fond de modèles anciens.

Réunissant l'analyse et le lyrisme, la vie contemplative et un moment antérieur de participation et d'inconscience, une nostalgie désabusée et une naïveté trompeuse, Larbaud, écrivain, critique, traducteur, s'achemine sous le signe de saint Jérôme comme sur un vaisseau de Thésée, moins préoccupé par l'originalité que par la justesse de la forme, de la parole et du ton : « ... belle et noble image de... l'Homme dont toute la substance se renouvelle en sept ans. On l'avait si souvent réparé au cours des siècles, qu'il n'y avait en lui plus un clou, plus une planche, qui n'eussent été plusieurs fois remplacés. Mais c'était encore le vaisseau de Thésée, sa forme, son histoire, l'idée qui y demeurait attachée. »

L'œuvre de Larbaud est d'une seule pièce, comme un petit jardin public d'un vieux quartier et bien entretenu quoique d'aspect désuet, où l'on peut entrer pour se promener dans tous les sens. Larbaud, lui, est situé, par rapport à ce jardin, derrière la fenêtre d'une chambre d'hôtel avoisinant ou dans le compartiment d'un train qui passe. Cette configuration lui permet de voir le reflet de sa propre image en même temps que le dehors. Et, par une complicité subtile, il parvient à faire partager à son lecteur cette perspective.

La suite de cet article est accessible aux abonnés

  • Des contenus variés, complets et fiables
  • Accessible sur tous les écrans
  • Pas de publicité

Découvrez nos offres

Déjà abonné ? Se connecter

Écrit par

  • : professeur assistant (français-anglais) à l'université de l'Illinois

Classification

Pour citer cet article

John Kenneth SIMON. LARBAUD VALERY (1881-1957) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • COMMERCE, revue littéraire

    • Écrit par Jacques JOUET
    • 558 mots

    La revue Commerce, « Cahiers trimestriels publiés par les soins de Paul Valéry, Léon-Paul Fargue, Valery Larbaud », donna vingt-neuf livraisons, de 1924 à 1932. Cette revue littéraire naît à l'ombre de la princesse de Bassiano et de ses proches. Outre les trois « phares » susnommés, ...

Voir aussi