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MONFORT SILVIA (1923-1991)

« Silvia Monfort n'a pas d'âge et pas de ressemblance. Elle n'a pas de race. Elle a une race : la sienne. Sa bouche écrasée comme un fruit trop mûr, ses yeux agrandis vers les tempes, ce visage de paysage lunaire... Rendez-vous avec l'étrange... », écrivait un journaliste de L'Écran français, en septembre 1948. À cette époque, Silvia Monfort, née Simone Marguerite Favre-Bertin, venait de débuter au théâtre et au cinéma. Sur scène, elle fit ses premiers pas le 20 janvier 1945, au Studio des Champs-Élysées, le soir de la première de La Maison de Bernarda de Federico García Lorca. Les spectateurs la découvraient derrière un long voile noir – celui de Magdalena, seconde fille de Bernarda. La maison andalouse de Bernarda est frappée de deuil : le mari et maître vient de mourir... Deux ans plus tôt, elle avait débuté dans un film de Robert Bresson, Les Anges du péché. Mais c'est dans un autre film, L'Aigle à deux têtes, lui aussi tourné en 1947, qu'elle fait ses vrais débuts au cinéma. Cette fois, le metteur en scène est un poète et un créateur artistique dans tous les domaines. Il s'agit en effet de Jean Cocteau, qui confie à Silvia Monfort le rôle d'Édith de Berg, jeune femme chargée d'espionner la reine (Edwige Feuillère). Plus tard, Cocteau écrira : « Silvia Monfort possède une taille exquise, pareille à celle d'un sablier ; le sable blond du haut coule vers le bas, vers ce ventre où toutes les grandes actrices puisent leur génie. » Paradoxe d'une comédienne intellectuelle ou cérébrale, qui a affronté tous les grands rôles classiques et tragiques (Électre, Phèdre, Chimène, Andromaque, Bérénice...), mais dont on a toujours évoqué de préférence le physique puissant. Tant sa présence était forte et concrète, sur scène comme à l'écran.

En vérité, le cinéma (Le Secret de Mayerling de Jean Delannoy, 1949 ; La Pointe courte d'Agnès Varda, 1955 ; Les Misérables de Jean-Paul Le Chanois, 1958 ; Mandrin, 1962, également de Le Chanois, qui fut d'ailleurs son époux) resta pour elle secondaire. Car, pendant quarante-cinq ans, Silvia Monfort mit toute son énergie au service du théâtre – celui des textes forts et des grands auteurs (Sophocle, Corneille, Racine, Marivaux, Claudel, Cocteau, Audiberti, Ionesco...). Le théâtre du souffle puissant, qui ne laisse aucun répit à l'acteur. « Chaque fois qu'elle joue, on dirait qu'elle descend dans l'arène... », écrivait un critique à propos de Silvia Monfort.

Le parcours de l'actrice, à cet égard, fut exemplaire : à la demande de Jean Vilar, elle entre dans la troupe du T.N.P. (Théâtre national populaire) au début des années 1950, et joue aux côtés de tous les grands acteurs formés à son école (Gérard Philipe, Georges Wilson, Daniel Sorano, Philippe Noiret, Maria Casarès...). En 1972, elle crée son propre lieu théâtral : le Carré Silvia Monfort, qui s'installera d'abord rue de Thorigny, dans le IIIe arrondissement de Paris, avant de se déplacer plusieurs fois dans d'autres quartiers de la capitale. Peu de temps avant sa mort, la Ville de Paris lui offrait un nouveau lieu : un théâtre de quatre cent cinquante places, conçu par l'architecte Claude Parent. Mais le cancer du poumon qui a emporté Silvia Monfort l'aura empêchée de vibrer encore une fois dans ce nouveau lieu qui portera son nom.

— Georges COHEN

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Georges COHEN. MONFORT SILVIA (1923-1991) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

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