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KOUNTCHÉ SEYNI (1931-1987)

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Président de la République du Niger de 1974 à 1987, Seyni Kountché est né le 31 juillet 1931 à Fandou, localité du Niger occidental située à une centaine de kilomètres de Niamey. Il est issu d'une famille de chefs coutumiers de la tribu Gabda, rameau du peuple Djerma, qui, au xve siècle, fonda l'ancien empire de Gao. Il embrassa le métier des armes très tôt, puisque, à treize ans, après des études primaires à Filingué, il entrait à l'école des enfants de troupe de Kati, au Mali, puis, en 1947, à celle de Saint-Louis du Sénégal. Il s'engagea dans l'armée française en 1949 et servit en Algérie et en Indochine. En 1957, il fut admis, avec le grade de sergent-chef, à l'École de formation des officiers de Fréjus (EFORTOM) Il en sortit sous-lieutenant, le 1er octobre 1959. Rentré au Niger en 1960, année de l'indépendance, il fut transféré dans l'armée nigérienne, le 3 août 1961. Il devait y faire une carrière sans histoire. Durant cinq ans, il mena la vie de garnison à Zinder et à Agadès.

Après un stage à l'école d'état-major à Paris, en 1965-1966, Seyni Kountché fut nommé, le 15 août 1966, adjoint au chef d'état-major des Forces armées nigériennes, fonction qu'il occupa jusqu'au 5 juillet 1973, date à laquelle il accéda au poste clé de chef d'état-major, avec le grade de lieutenant-colonel (l'armée nigérienne, à l'époque, ne comportait pas de généraux...).

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Dès février 1973, la situation politique du pays devint menaçante. Sous l'effet de la crise agricole et alimentaire due à la sécheresse qui sévissait depuis plusieurs mois, les tares de l'ancien régime parurent insupportables à de larges couches de la population.

Le mouvement de contestation partit des lycées et centres universitaires. Les sanctions sévères prises pendant l'été à l'égard des professeurs et élèves n'empêchèrent point une grève des cours qui dura d'octobre 1973 à janvier 1974. Les militaires adressèrent alors un avertissement au pouvoir en place, devant le caractère catastrophique de la situation que les autorités civiles discréditées ne parvenaient plus du tout à maîtriser. Dans la nuit du 14 au 15 avril 1974, Seyni Kountché décida d'exécuter un plan d'action préparé depuis quelques semaines. Avec une facilité déconcertante, le président Hamani Diori, ses ministres, les dirigeants du parti unique furent immédiatement appréhendés et assignés à résidence. Toutefois, quelques personnalités, dans un sursaut de résistance aux prétoriens, perdirent la vie, notamment l'épouse, détestée par les opposants, de l'ancien chef de l'État. Le nouveau maître justifia son intervention en reprenant à son compte les griefs de la jeunesse, stigmatisant « l'injustice, l'égoïsme et l'indifférence du régime précédent à l'égard du peuple ».

Dans ces événements décisifs, Seyni Kountché s'imposa par des qualités qui allaient assurer sa pérennité à la tête de l'État et de l'armée : le sérieux, la rigueur, le secret, le goût de l'action directe. Dès le départ, il ne laissa à l'ancien pouvoir aucun espoir de retour : la Constitution parlementaire fut suspendue sine die, l'Assemblée nationale dissoute, les organisations politiques et syndicales supprimées. La réalité du pouvoir appartint désormais au Conseil militaire suprême et à son président, Seyni Kountché lui-même, cumulant en outre les fonctions de chef de l'État, de ministre de la Défense et de l'Intérieur. Toutefois, un gouvernement de techniciens était aussi formé pour gérer le pays, dans lequel des jeunes civils prirent place aussitôt.

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Les objectifs de la politique suivie par Seyni Kountché lui furent dictés par les données de la crise : atteindre et maintenir l'autosuffisance alimentaire, mobiliser toutes les forces nationales et l'assistance internationale en vue du développement, assurer l'indépendance et l'intégrité territoriale d'un pays composite et disproportionné, dominé par des déséquilibres de toute nature. Les obstacles se multiplièrent sur la route du nouveau président : effondrement du cours de l'uranium, recrudescence de la sécheresse en 1983-1984, troubles politiques dans les populations touareg du Nord influencées par la propagande de la Libye du colonel Kadhafi et sensibles aux thèmes de l'intégrisme musulman. La méthode du chef de l'État fut faite de ténacité, de pragmatisme et de fermeté. La corruption, le laxisme, le désordre furent combattus sans relâche, avec une grande énergie. L'activité infatigable du président, partout présent sur le terrain, contrôlant lui-même les chantiers, plantations, casernes et administrations, donna partout le ton et contribua puissamment à restaurer l'image du Niger à l'étranger. Néanmoins, les tentatives de déstabilisation ne manquèrent point. De multiples complots, réels ou supposés, furent déjoués et des compagnons de route écartés ou exilés. L'ultime tentative de renversement de Seyni Kountché, fomentée le 6 octobre 1983 par son confident et son « marabout », le lieutenant Bonkano, bien qu'elle échouât comme les autres, porta atteinte à l'image d'intégrité et de modernité que le régime était parvenu à donner de lui jusque-là, révélant autour du chef de l'État un climat d'affairisme et d'occultisme qu'on ne soupçonnait pas... Mais l'habileté politique de Seyni Kountché s'est manifestée surtout dans son grand projet de construction d'une Société de développement, lancé dès 1979 et largement concrétisé au moment de sa mort : des institutions nouvelles ont été mises en place à tous les niveaux de l'État afin d'instaurer la participation de toutes les forces vives de la nation à l'effort commun de modernisation. Une Charte nationale a été approuvée par les Nigériens par référendum en juin 1987. Seyni Kountché avait compris que son œuvre de redressement ne pouvait se prolonger sans un assentiment populaire. La recherche d'une légitimité nationale conférait au pouvoir de Seyni Kountché une dimension dont les dictatures militaires sont ordinairement dépourvues.

Seyni Kountché est mort à Paris le 10 novembre 1987.

— Gilbert APOLLIS

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  • : agrégé des Facultés de droit, professeur à l'université de Montpellier-I

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