Abonnez-vous à Universalis pour 1 euro

SEI-SHŌNAGON (965 env.-apr. 1013)

Dame de la cour du Japon, auteur des Notes de l'appuie-tête (Makura no sōshi), l'un des deux chefs-d'œuvre de la littérature japonaise des environs de l'an mille. Entrée au service de l'impératrice Sadako en 991, Sei-shōnagon, dont nous ne connaissons que ce surnom, quitta le palais en 1000, à la mort de sa maîtresse. Sur sa vie après cette date, nous n'avons que des légendes contradictoires ; on affirme qu'elle mourut vieille, pauvre et abandonnée, ce qui n'est peut-être qu'une invention de l'un de ceux qu'elle avait égratignés dans ses écrits, comme paraît inventée la réputation de légèreté qu'on lui fit par la suite.

Le Makura no sōshi est formé d'une suite d'environ trois cents notes sans lien entre elles, jetées sur le papier au hasard des événements ou des réflexions. Ce n'est donc pas un journal au sens habituel du terme, mais plutôt la première manifestation dans les lettres japonaises d'un genre qui devait connaître une grande fortune, celui des zuihitsu, des « écrits au fil du pinceau ». Plus de la moitié de ces notes sont des énumérations ; les unes, noms de montagnes, de mers, de rivières, de palais, pourraient être des aide-mémoires pour l'improvisation poétique ; les autres, intitulées choses agréables, désagréables, ridicules, irritantes, ennuyeuses, etc., sont des sortes de poèmes en prose, incisifs, amusants, féroces parfois, spirituels toujours. Le reste est fait de récits de choses vues, de courtes scènes prises sur le vif, au jour le jour ; empereur, impératrice, ministres, courtisans et dames sont les acteurs de ces petites comédies ; bien peu d'entre eux pouvaient se flatter de trouver grâce devant cette impitoyable portraitiste dont le pinceau dangereusement effilé ne perd de sa vigueur et ne renonce à la caricature que lorsqu'elle parle des souverains ou d'elle-même. Car — et c'est là peut-être son unique faiblesse — elle ne témoigne de complaisance qu'envers son propre personnage : versée dans les lettres chinoises et japonaises (Murasaki-shikibu nous la dépeint sous les traits d'un exaspérant bas-bleu), douée d'un redoutable esprit d'à-propos, elle ne restait, à l'en croire, jamais en retard d'un épigramme, ripostant avec la même présence d'esprit à une pointe de l'empereur qu'au madrigal d'un fat. Caractère dominateur et impulsif, elle fait volontiers étalage d'érudition, tout en méprisant les femmes qui se piquent d'écrire ; peu émotive, elle s'attendrit pourtant à la vue d'un enfant, d'un chien ou d'un chat ; elle manifeste sa sympathie pour l'impératrice, respectant ses vertus, compatissant à ses malheurs. Moins sentimentale que Murasaki-shikibu, un sens très aigu du ridicule l'éloigne de toute préciosité de pensée ou d'expression.

— René SIEFFERT

La suite de cet article est accessible aux abonnés

  • Des contenus variés, complets et fiables
  • Accessible sur tous les écrans
  • Pas de publicité

Découvrez nos offres

Déjà abonné ? Se connecter

Écrit par

  • : professeur à l'Institut national des langues et civilisations orientales

Classification

Pour citer cet article

René SIEFFERT. SEI-SHŌNAGON (965 env.-apr. 1013) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • JAPON (Arts et culture) - La littérature

    • Écrit par Jean-Jacques ORIGAS, Cécile SAKAI, René SIEFFERT
    • 20 234 mots
    • 2 médias
    Contemporaine de Murasaki, Sei Shōnagon inaugura avec le Makura no sōshi un genre un peu différent, dit zuihitsu, « au fil du pinceau ». Ce n'est plus un journal suivi, mais une suite de quelque trois cents notes sans lien entre elles, jetées sur le papier au hasard des événements et des réflexions....

Voir aussi