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SIMOUNET ROLAND (1927-1996)

L'architecte Roland Simounet est né en 1927 à Guyotville, en Algérie, où il a vécu, étudié et construit avant d'exercer en France. C'est de son pays natal, de son climat, de sa beauté et de sa pauvreté qu'il a extrait l'essentiel de son art.

Roland Simounet commence des études d'architecture à Alger ; il les poursuivra à Paris, à l'école des Beaux-Arts, sans jamais les terminer. Revenu à Alger, il y entame, très jeune, une carrière d'architecte. À l'occasion du ixe  Congrès international d'architecture moderne (C.I.A.M.) qui doit se tenir à Aix-en-Provence en 1953, sur le thème de « L'Habitat pour le plus grand nombre », il mènera pour le groupe C.I.A.M. d'Alger l'analyse d'un bidonville. La connaissance de cette organisation spatiale, élémentaire mais efficace, va le préparer, après la construction de quelques maisons individuelles, à une importante activité dans le domaine des logements de transit et des cités d'urgence : à Alger, dans le quartier de Maison Carrée, 300 logements pour une cité de « première urgence » (1955), les 2 500 logements de la cité La Montagne (1955-1956), et 200 logements à Orléansville, après le tremblement de terre ; à Alger encore, 800 logements collectifs (1957-1959), pour la résorption des bidonvilles aux Carrières Jaubert, 200 logements (1956-1958) à Djemam-el-Hasan, son opération la plus aboutie dans ce domaine. Elle est formée d'un tissu très dense (900 habitants à l'hectare) de maisons individuelles qui épousent la pente abrupte du terrain, généralement constituées d'une pièce et d'une loggia. Construites en parpaings, elles sont couvertes de voûtes de briques. Les groupes de maisons reliés par des escaliers dans le sens de la pente bordent, par gradins horizontaux, des ruelles, parfois couvertes, entrecoupées de « patios » plantés d'arbres fruitiers. Adaptation à la pente, attention portée au climat, simplicité, répétition et variété des espaces vont devenir les constantes de son travail.

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À côté de ces œuvres nécessaires et justes, Roland Simounet construit toujours avec autant d'austérité des édifices plus élaborés : avec Louis Miquel, le centre Albert-Camus à Orléansville (El Cheliff), bel ensemble dédié à la culture et au sport (1954-1959), l'église Sainte-Marguerite-Marie (1956-1957) à Tefeschoun. En 1957, il est chargé de l'étude d'une nouvelle agglomération (1958-1962) à Timgad, près des ruines de la ville antique : logements en rez-de-chaussée, logements collectifs à deux étages, logements avec étables et jardins, écuries collectives, commerces, bains maures, moulin à grain, école, bâtiments culturels, mosquée, vergers, centre sportif sont organisés selon un plan réticulé. Il utilise la main-d'œuvre et les moyens locaux, mettant en place de lourds poteaux et des remplissages d'éléments de maçonnerie semblables aux murs de l'antique Timgad. Sa venue en France coïncide avec une étude menée en 1961-1962 pour 700 logements à Noisy-le-Grand destinés aux Asociaux du père Joseph. Il réalise à la même époque une résidence universitaire à Tananarive. En France, il construit de nombreux logements sociaux (Neuf-Brisach en 1968-1970, Évry-Courcouronnes en 1972-1975, Saint-Denis en 1977-1985, Cergy-Pontoise en 1977-1980, Villejuif en 1983-1986), ainsi que des bâtiments culturels (école d'architecture à Grenoble en 1973-1978, musée de Préhistoire d'Île-de-France à Nemours en 1976-1980, musée d'Art moderne à Villeneuve-d'Ascq en 1978-1983, musée Picasso à Paris en 1976-1985, École nationale supérieure de danse à Marseille en 1985-1992).

D'une grande homogénéité, l'architecture de Roland Simounet est à l'évidence issue des terres chaudes et sèches de la Méditerranée ; une Méditerranée archaïque et austère, celle des murs pleins percés de minuscules fenêtres, murs de maçonneries puissantes, de masses lisses d'argile ou de pisé, et aussi la Méditerranée des villes arabes denses et continues. Depuis le début du xxe siècle, la Méditerranée (le ciel, la lumière, le soleil, l'habitat des Cyclades, le Parthénon, la voûte catalane, Alger et sa Casbah) a beaucoup intéressé les architectes, en particulier Le Corbusier, dont le souhait tenace de construire en Algérie ne se réalisa pourtant pas. Roland Simounet connaît le travail de Le Corbusier. Il lui empruntera sans façon thèmes et manières : vérité du matériau – en particulier le béton brut –, couverture en voûtes, dessins de claustras, habitat en pente. De la même manière, les problèmes de l'habitat pour le grand nombre et le souci de la résorption des bidonvilles sont partagés par de nombreux architectes : l'équipe Candilis-Josic-Woods se constitue autour de ces thèmes qui firent l'objet de leur exposition Problèmes d'habitat marocain, présentée au C.I.A.M. d'Aix-en-Provence en 1953.

L'innovation n'est pas le but de Roland Simounet, sa recherche est ailleurs. Si les thèmes sont ceux qui sont discutés dans les C.I.A.M., si les références sont bien les mêmes, le style très particulier de Simounet tient à la connaissance directe, intime, qu'il en a. Ces problèmes ne sont pas pour lui théorisés, ils constituent la matière même de son architecture, une architecture de la vérité : celle du sol, celle du soleil, celle du matériau. De leur lent assemblage, vingt fois repris, surgit une architecture lourde, épaisse et pourtant transparente. Peu d'architectes ont, au xxe siècle, exploité aussi bien le thème de l'épaisseur, avec une telle puissance mais aussi avec une telle sérénité.

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Le réaménagement de l’hôtel Salé en musée Picasso à Paris lui vaut le prix de l’Équerre d’argent en 1985. Le musée de Préhistoire d'Île-de-France est sa réussite la plus parfaite : fusion de l'architecture et de la nature, massivité et légèreté des volumes, expressivité des matériaux, réussite qui fait regretter certains ouvrages postérieurs où les formes justes ont laissé place à un maniérisme, souvent beau mais sans nécessité, comme si le sol s'était dérobé sous les pieds du poète.

— Pierre GRANVEAUD

Bibliographie

R. Simounet, Pour une invention de l'espace, Electa-Moniteur, Paris, 1986, rééd. 1997.

Universalia 1982 : « Le Musée de Préhistoire d'Île-de-France (Nemours) », M. Brézillon.

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Écrit par

  • : architecte D.P.L.G., urbaniste de l'État, professeur d'architecture à l'université de Paris-Tolbiac

Classification

Autres références

  • PICASSO MUSÉE, Paris

    • Écrit par
    • 1 207 mots
    L’hôtel Salé, bâtiment du xviie siècle, qui est destiné à abriter le musée Picasso va faire l’objet d’unecampagne de restauration confiée à l’architecte Roland Simounet. Les parties classées aux Monuments historiques sont conservées telles quelles (vestibule, grand escalier d’honneur,...

Voir aussi