Abonnez-vous à Universalis pour 1 euro

ROLAND BARTHES (T. Samoyault)

Le centenaire de sa naissance, le 12 novembre 1915, permet de redécouvrir Roland Barthes à travers plusieurs colloques, une exposition à la Bibliothèque nationale de France, où son frère a déposé ses archives en 2010, et des publications très variées : de l’Albumoù Éric Marty a réuni des documents inédits, notamment d’émouvantes lettres écrites durant l’adolescence ou au sanatorium, jusqu’à La Septième Fonction du langage, un roman policier parodique dans lequel Laurent Binet imagine que l’écrivain a été assassiné pour évoquer le milieu intellectuel des années 1970. Il faut également mentionner une nouvelle édition de La Préparation du roman, où les notes rédigées par Barthes sont complétées grâce aux enregistrements de ses cours au Collège de France.

Une biographe amicale

Tiphaine Samoyault, universitaire et écrivain, dont les textes singuliers ne se laissent pas assigner à un genre, ne pouvait que se sentir proche de celui qui passa sa vie à s'interroger sur l’écriture. Mais pourquoi publier une nouvelle biographie de Barthes (Seuil, 2015), alors qu’il en existe déjà deux, de Louis-Jean Calvet (1990) et Marie Gil (2012), sans compter plusieurs dizaines de romans et témoignages ? Et comment ? Alors que Barthes s’est toujours montré très réticent envers le genre biographique, « roman qui n’ose pas dire son nom », et a brouillé les pistes en écrivant lui-même un Roland Barthes où il prône la dispersion des « biographèmes » : « si j’étais écrivain, et mort, comme j’aimerais que ma vie se réduisît, par les soins d’un biographe amical et désinvolte, à quelques détails, à quelques goûts, à quelques inflexions ». De ce tabou, Tiphaine Samoyault en a fait une contrainte productive : même et surtout si la vie de l’écrivain est pleine de lacunes et de contradictions, elle ne cherchera pas à en combler les vides, mais au contraire à l’étoiler, à « pluraliser Barthes ».

Michel Salzedo lui a ouvert le bureau de la rue Servandoni et les agendas méticuleux de son frère. Elle a aussi été la première biographe à accéder au matériau considérable d’archives ouvertes il y a peu et à explorer le Grand Fichier que l’écrivain a enrichi tout au long de sa vie. Commencé comme une réserve lexico-bibliographique par l’étudiant, ce monstre documentaire de 17 000 fiches est devenu peu à peu, au fil des classements et remaniements réguliers, le « dépositaire d’une bonne partie de son existence », un journal intime dans lequel il consigne lectures, voyages, choses vues, ébauches romanesques.

Très documentée, rythmée par des photographies inédites, cette biographie est aussi sensible et chaleureuse, tout imprégnée de « Rolandisme », pour copier le néologisme de « Marcellisme » que Barthes avait forgé pour décrire l’étude affectueuse de Proust. Elle se caractérise par une approche délicate, qui jamais ne cherche à prendre l’écrivain en défaut et respecte ses silences, avec comme « fils conducteurs la douceur, la délicatesse, le déchirant ou l’amour maternel comme guide souterrain ». Pour l’enraciner dans l’émotion, elle donne à son livre une structure circulaire : il s’ouvre sur l’absurde accident, l’hôpital, le défilé des proches et la mort advenue le 26 mars 1980.

La suite de cet article est accessible aux abonnés

  • Des contenus variés, complets et fiables
  • Accessible sur tous les écrans
  • Pas de publicité

Découvrez nos offres

Déjà abonné ? Se connecter

Écrit par

  • : agrégée de lettres, docteure ès lettres, conservatrice à la Bibliothèque nationale de France

Classification

Pour citer cet article

Christine GENIN. ROLAND BARTHES (T. Samoyault) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Voir aussi