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ROBOTIQUE ET PSYCHOLOGIE

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Le robot comme modèle ou caricature

En parallèle, les robots sont aussi utilisés pour tester les conséquences comportementales de modèles cognitifs. Les chercheurs ont été surpris de constater à quel point des architectures de contrôle très simples et caricaturales couplant directement capteurs et actionneurs permettent d’obtenir des comportements très riches que des observateurs naïfs interprètent comme des comportements « intelligents » ou volontaires du robot. Par exemple, des robots inspirés des cafards ou des papillons de nuit ont permis d’obtenir des comportements typiques de « fuite » ou au contraire d’« attraction » par une source de lumière. Un observateur peut avoir l’impression que les robots s’agressent, se fuient, se reconnaissent dans un miroir… Se pourrait-il alors que des comportements cognitifs apparemment très complexes soient le fruit de réseaux de neurones beaucoup plus simples que nous ne l’imaginons ?

La compréhension de la marche bipède est un autre exemple de l’apport de la robotique aux sciences cognitives. Les robots construits pour mimer la marche humaine de manière planifiée  effectuent une marche statique, peu naturelle et consommant une quantité importante d’énergie. Cela a conduit des roboticiens à proposer des modèles de marche alternatifs basés sur la notion de marcheur passif. La marche est alors le résultat d’un système dynamique oscillant comme un pendule que l’on aurait inversé et dont la mécanique elle-même assure l’équilibre. Mis sur un plan incliné, le marcheur passif descend la pente sans utiliser le moindre moteur ou système de contrôle. Les mouvements de ses articulations (genoux, hanches, bras) sont dictés par les forces de gravité et l’inertie du système. Il en résulte une marche étonnamment dynamique et naturelle. Serait-il possible que la marche humaine soit moins finement planifiée qu’on ne le pensait ? Notre cerveau pourrait se « contenter » d’injecter ponctuellement de l’énergie à nos muscles pour contrôler marche et posture. Une partie de la solution serait ainsi obtenue « gratuitement » grâce à la morphologie de notre corps. On parle ici de l’intelligence du corps ou de l’importance d’une cognition incarnée pour insister sur le rôle primordial de notre corps dans nos processus cognitifs. La robotique a aussi apporté à la psychologie du contrôle moteur ses outils mathématiques comme la théorie du contrôle optimal pour déterminer la commande maximisant l’efficacité d’une action. En retour, la théorie de l’apprentissage par renforcement issue de travaux en psychologie permet à des robots et autres IA d’apprendre par essai-erreur de manière efficace (une récompense ou punition permet au fil des essais de découvrir la séquence d’actions ou la loi de couplage permettant de maximiser les signaux de renforcement).

Exemple simplifié d’un réseau de neurones artificiels utilisé pour contrôler les déplacements d’un robot mobile - crédits : Encyclopædia Universalis France

Exemple simplifié d’un réseau de neurones artificiels utilisé pour contrôler les déplacements d’un robot mobile

Certains travaux utilisent des réseaux de neurones artificiels pour reproduire de manière plus ou moins détaillée le fonctionnement de circuits neuronaux biologiques et comprendre comment différentes structures cérébrales interagissent dans une situation donnée. Ces travaux ont tout d’abord permis de se rendre compte des limitations de certains modèles en psychologie au niveau de leur cohérence d’ensemble. Les mêmes mots recouvrent souvent des manières de penser les processus sous-jacents bien différentes. Le choix du codage de ces processus et de leur mise en œuvre informatique est très délicat et nécessite un dialogue constant avec les expérimentalistes, amenant souvent à de nouvelles expériences pour répondre aux questions et prédictions des modélisateurs. Suivant les avancées en neurobiologie et psychologie, les travaux de modélisation en robotique se sont principalement focalisés sur le système visuel, les questions de contrôle moteur ou sur des structures très particulières du cerveau comme l’hippocampe, les ganglions de la base ou[...]

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Écrit par

  • : professeur des Universités, responsable de l'équipe neurocybernétique du laboratoire ETIS, responsable du master Informatique et ingénierie des systèmes complexes de l'université de Cergy-Pontoise

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Pour citer cet article

Philippe GAUSSIER. ROBOTIQUE ET PSYCHOLOGIE [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Article mis en ligne le et modifié le 26/06/2017

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Exemple simplifié d’un réseau de neurones artificiels utilisé pour contrôler les déplacements d’un robot mobile - crédits : Encyclopædia Universalis France

Exemple simplifié d’un réseau de neurones artificiels utilisé pour contrôler les déplacements d’un robot mobile

Robot Berenson - crédits : LabEx PATRIMA et EquipEx PATRIMEX

Robot Berenson