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RÉCURSIVITÉ, linguistique

Est dit récursif, dans la linguistique générative, tout élément qui présente la propriété de se reproduire dans l'algorithme d'une structure de phrase à la fois comme constituant et comme constitué, c'est-à-dire à droite et à gauche de la flèche de réécriture. C'est un langage artificiel qui servira ici d'exemple concret : si l'on veut engendrer une suite qui comporte un nombre indéterminé d'occurrences d'un symbole X suivi du même nombre d'occurrences du symbole Y, on aura tout intérêt à considérer qu'il s'agit d'une structure simple et itérée autant de fois qu'on le désire ; pour établir la grammaire de ce langage, on posera en une seule règle que le symbole initial P (phrase) se récrit sous la forme X + P + Y, soit P ⇌ XPY, ce qui donne bien XXPYY, et ainsi de suite. On peut remarquer qu'aucun autre modèle formalisé ne peut rendre compte d'une façon aussi automatique et aisée de la récursivité, qui se rencontre aussi dans les langues naturelles mais pose des problèmes réels à toute description qui n'est pas clairement générative. Ainsi, la subordination, mais également certains types de balancements sont des phénomènes inhérents à tous les systèmes naturels ; voici, pour le français, un exemple de dépendances emboîtées (on affecte, pour plus de clarté, un indice aux différentes structures P) : P1, « Le commissaire se trompe » ; P2, « Le commissaire pense » ; P3, « Si l'accusé prétend, alors », P4, « L'accusé ment » ; P5, « L'accusé était hier au cinéma » ; soit, au total : « Le commissaire qui pense que, si l'accusé prétend qu'il était hier au cinéma, alors il ment, se trompe (et, formellement : X-QU-P2-QU- si P3-QU-P5, alors P4-Y).

Il va de soi que de tels enchâssements sont plus ou moins prisés selon les langues : le latin de César et le style de Proust y sont plus enclins que le communiqué radiophonique ; mais ce sont là des considérations liées à la surface et qui ne concernent pas la compétence des locuteurs. On distinguera du reste la récursivité à droite, que pratique plus volontiers le français (« Il prétend qu'il a dit que... »), la récursivité à gauche, que favorisent des langues comme l'anglais ou l'allemand, qui ont tendance à antéposer au nom des suites de déterminations qui s'y rapportent (The long black formidable submarine) ; quant à la structure auto-enchâssante analysée ci-dessus, il faut répéter qu'elle ne peut que caractériser la période oratoire soutenue.

— Robert SCTRICK

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Pour citer cet article

Robert SCTRICK. RÉCURSIVITÉ, linguistique [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • DÉRIVATION, linguistique

    • Écrit par Nicole QUENTIN-MAURER
    • 302 mots

    1. Formation de nouvelles unités du lexique à partir des morphèmes de base et obtenues par addition, suppression ou remplacement d'un affixe au radical du mot. La dérivation est dite impropre lorsque les mots reçoivent une valeur dérivée nouvelle sans modifier leur forme, mais en changeant...

  • GRAMMAIRE

    • Écrit par Jean-Claude MILNER
    • 8 586 mots
    ...potentiellement ou actuellement infinies n'a pas, pendant longtemps, reçu de traitement théorique satisfaisant : ce n'est qu'en raisonnant en termes de récursivité qu'on a pu donner un commencement de statut formel à cette propriété, pourtant supposée implicitement par la notion même de grammaire, si informelle...
  • MODÈLE

    • Écrit par Raymond BOUDON, Hubert DAMISCH, Jean GOGUEL, Sylvanie GUINAND, Bernard JAULIN, Noël MOULOUD, Jean-François RICHARD, Bernard VICTORRI
    • 24 464 mots
    • 2 médias
    ...phrases de longueur non bornée : ce qui, bien sûr, n'est pas le cas des énoncés que peut effectivement produire un locuteur. En fait, la propriété de récursivité qui est invoquée pour justifier cet infini ferait des productions d'une langue un ensemble « inobservable », au même titre que l'ensemble des...

Voir aussi