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HILBERG RAUL (1926-2007)

Le politiste américain d'origine autrichienne Raul Hilberg est mondialement connu comme étant le pionnier de l'histoire du génocide des juifs d'Europe et un de ses principaux historiens. Son ouvrage de référence sur le sujet, La Destruction des juifs d'Europe, constamment réédité et augmenté depuis sa première parution aux États-Unis en 1961, décrit et analyse les divers acteurs qui ont permis le génocide.

L'homme d'un livre

Raul Hilberg est né à Vienne en juin 1926. En avril 1939, avec ses parents, il fuit les persécutions antisémites de l'Autriche annexée par le IIIe Reich, traverse la France pour prendre, à La Rochelle, un bateau qui mène la famille à Cuba où elle passe quelques mois avant de gagner New York et de s'y installer. En 1944, Hilberg est mobilisé. Il débarque en Europe dans les derniers mois de la guerre. En avril 1945, alors qu'il se trouve à Munich avec les troupes américaines, il découvre les soixante caisses de la bibliothèque personnelle de Hitler. De retour aux États-Unis, il est envoyé à l'école des services de renseignement. Après sa démobilisation, il étudie les sciences politiques au Brooklyn College puis à l'université Columbia, où il suit les cours d'histoire des juifs de Salo Baron et ceux du politiste réfugié d'Allemagne Franz Neumann. Ce dernier accepte sans enthousiasme de diriger sa thèse sur la destruction des juifs d'Europe. Il sait que ce sujet n'est pas « porteur » et qu'il rendra sa carrière difficile. En 1956, un an après sa soutenance, Hilberg obtient un poste d'enseignant en sciences politiques à l'université du Vermont. Il y enseignera pendant quarante-sept ans le droit international, la politique étrangère américaine, l'administration publique, la méthodologie en sciences politiques, tout en construisant son œuvre.

Raul Hilberg est surtout l'homme d'un livre, La Destruction des juifs d'Europe. Comme son aîné Léon Poliakov, il a décidé de s'intéresser aux exécuteurs. « La destruction des juifs d'Europe était une réalité allemande, écrit Hilberg dans La Politique de la mémoire. Elle avait été mise en œuvre dans des bureaux allemands, dans une culture allemande. J'étais convaincu, et cela dès le tout début de ma recherche, qu'il était impossible de saisir la pleine dimension de ce fait historique si l'on ne comprenait pas les mécanismes des actes des exécuteurs. C'est l'exécuteur qui avait la vue d'ensemble. Lui seul formait l'élément déterminant. C'est par ses yeux que je devais voir l'événement depuis sa genèse jusqu'à son point d'acmé. La certitude que la perspective de l'exécuteur offrait la première piste à suivre devint pour moi une doctrine dont je ne me départis jamais. »

Parmi les livres au programme du cours de sciences politiques, le Béhémoth de Neumann, publié en 1944, fournit à Hilberg un modèle théorique dont il ne s'écartera guère. Sous le national-socialisme, montre Neumann, la société allemande était organisée en quatre groupes centralisés – le service public, l'armée, l'industrie et le parti nazi –, « chacun opérant sous une direction, chacun avec son propre pouvoir législatif, administratif et judiciaire ». Tous, constatent Hilberg, participent à la solution finale, constituant « l'appareil de destruction ». Reste à établir la progression du processus de destruction que le politiste résume à trois étapes : la définition des juifs, leur concentration ou arrestation, leur anéantissement. Hilberg divise l'anéantissement en deux grands ensembles : « les opérations mobiles de tuerie », ces massacres itinérants par fusillades commis avec l'invasion de l'Union soviétique en juin 1941, et les « centres de mise à mort » comme [...]

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Écrit par

  • : directrice de recherche émérite au C.N.R.S., U.M.R. identités, relations internationales et civilisations de l'Europe, université de Paris-I-Panthéon-Sorbonne

Classification

Pour citer cet article

Annette WIEVIORKA. HILBERG RAUL (1926-2007) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

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