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GARDINI RAUL (1932-1993)

L'industriel italien Raul Gardini, patron du groupe Ferruzzi de 1980 à 1991, s'est suicidé le 23 juillet 1993. Il aura été le douzième suspect des “juges aux mains propres” à mettre fin à ses jours. Giuseppe Garofano, son ancien bras droit, avait révélé à la justice italienne l'existence d'une caisse noire de 400 millions de francs constituée en 1990 par le groupe Ferruzzi pour financer les partis. Il affirmait aussi que celui-ci avait dissimulé, par une falsification des écritures comptables, une perte de 2 milliards de francs. Cette dernière provenait d'une moins-value réalisée sur le marché de Chicago, en 1989, lorsque le groupe avait été contraint de liquider ses positions sur le soja. À l'âge de soixante ans, “il Condottiere” n'a pas supporté la perspective d'une humiliation de sa famille.

Ce suicide a ébranlé l'Italie, remettant encore un peu plus en cause les institutions du pays : en 1992 et 1993, jusqu'à la mort de Raul Gardini, plus de cent cinquante parlementaires avaient fait l'objet d'une enquête judiciaire, mais tous avaient été couverts par l'immunité parlementaire. En revanche, près de mille personnes — industriels ou présumés complices — avaient été mises sous les verrous italiens pour corruption active.

Raul Gardini était devenu un capitaine d'industrie européen, le plus français des patrons italiens. Il a été broyé par un système avec lequel il avait voulu rompre : “Je ne veux plus faire partie d'aucune société italienne, ni avoir affaire avec aucun organisme économique italien”, avait-il déclaré en novembre 1990, au lendemain de son échec dans la constitution d'un grand groupe chimique privé, Enimont, dans la péninsule. Pendant deux ans, il s'était entièrement consacré à ce projet : “La chimie, c'est moi ! J'y ai mis des hommes et de l'argent. Il faut m'écouter et me croire.” La volonté de l'État de garder de larges attributions au sein d'Enimont avait été jugée inacceptable par le Condottiere. Après un combat acharné, celui-ci rétrocéda à l'Office national des hydrocarbures, l'E.N.I., les 40 p. 100 du capital d'Enimont que détenait Montedison, la principale filiale de Ferruzzi Finanziaria (Ferfin). Cette transaction, d'un montant de 12,6 milliards de francs, est à l'origine de la fameuse caisse noire.

Raul Gardini quitte alors la présidence de Ferfin, ne conservant que la direction du holding familial Serafino Ferruzzi S.R.L. (principal actionnaire de Ferfin). Il se retire à Paris.

De là, il n'aura qu'une idée : établir le centre de son groupe en France. Il élabore, avec son ami le banquier Jean-Marc Vernes, un montage financier sophistiqué, destiné à préserver le contrôle de la famille italienne sur le groupe, dont les actifs auraient été transférés en France. Pour Gardini, Ferruzzi devait devenir un grand groupe européen. Paris était, selon lui, au cœur du continent. Il aurait aussi voulu faire entrer dans le capital de Serafino Ferruzzi S.R.L. les principaux managers du groupe, dont Giuseppe Garofano.

La famille Ferruzzi ne l'entendit pas ainsi : Arturo et ses sœurs Franca et Alessandra, détenant 77 p. 100 de la société familiale, évincèrent Raul Gardini, leur beau-frère, de la présidence, en mai 1991. Idina, épouse de Raul, céda ses 23 p. 100 pour 2,2 milliards de francs.

Ce pactole permettra à Raul de racheter, avec l'appui de Jean-Marc Vernes, la société Barry, principal transformateur mondial de cacao, et Sogéviandes, avec la marque Charal, premier transformateur français de viande de bœuf.

Il aura aussi le temps de préparer l'America's Cup. En 1992, son bateau, Il Moro de Venezia, fera vibrer toute l'Italie et terminera deuxième.

Raul Gardini avait horreur de la défaite. Jusqu'en 1990, ce bâtisseur[...]

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Philippe DENOIX. GARDINI RAUL (1932-1993) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

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