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VALLE-INCLÁN RAMÓN DEL (1866-1936)

« L'art peut suivre deux voies : l'une est celle de l'architecture et de l'allusion, logarithmes de la littérature ; l'autre celle des réalités telles que les montre le monde. On dit que c'est ainsi que Vélasquez peignit ses chefs-d'œuvre... » Ces deux voies qu'il indique lui-même, Valle-Inclán les suivit tour à tour. Sa première manière, marquée par la mélodie des rythmes, l'éclat des images, l'exaltation et le raffinement des sensations, en fait, auprès de Rubén Darío et de Juan Ramón Jiménez, l'un des plus grands artistes du «  modernisme » en Espagne. Mais la seconde étape de son évolution, infléchie par une conscience amère du présent et du passé récent de son pays, traduite en évocations tragiques et burlesques d'une réalité qui lui paraît de plus en plus dérisoire, le rapproche, par son pessimisme critique, des écrivains de la «  génération de 98 ». Selon une formule lapidaire de Dámaso Alonso, Valle-Inclán est passé « de Scylla en Charybde, du revers à l'envers d'une même vision du monde ».

La nature exacerbée de son génie, le puissant élan de liberté qui soulève sa création, l'originalité et l'impétuosité de son caractère font de Valle-Inclán le type même de l'écrivain inclassable. Dans un sonnet fameux, Rubén Darío disait à son propos : « J'ai l'impression de sentir et de vivre, près de lui, une vie plus intense et plus rude. »

« Entre mon époque et moi il y a eu maldonne... »

Ramón María del Valle-Inclán naquit à Villanueva de Arosa, dans la province de Pontevedra, en Galice, où se déroule, dans une vieille demeure, son enfance obscure. Après des études à Pontevedra et Saint-Jacques-de-Compostelle, ayant vite renoncé à la carrière d'avocat, il va pour la première fois au Mexique en 1892. De retour à Madrid, il participe activement à la vie littéraire, artistique et bohème de la capitale ; il y devient une personnalité marquante et pittoresque. En 1899, à la suite d'une querelle de café, il doit être amputé d'un bras. En 1907, il épouse une actrice, Josefina Blanco. Puis, en 1910, il accompagne au Mexique la troupe théâtrale de Guerrero Mendoza dont il est directeur artistique. C'est sur l'invitation du gouvernement français qu'il visite la ligne du front en 1916 et en rapporte des chroniques de guerre. Il fera un troisième voyage au Mexique et s'installera de nouveau à Madrid après 1924. Son opposition à la dictature de Primo de Rivera lui vaudra d'être arrêté (1929). Sous le gouvernement républicain, il est nommé directeur de l'Académie espagnole des beaux-arts à Rome. Il mourut à Saint-Jacques-de-Compostelle. Avec sa longue silhouette barbue et chevelue, ses besicles à l'ancienne, son verbe haut, sa fantaisie débordante, sa générosité altière, son humeur batailleuse et son humour souvent féroce, Valle-Inclán fut une des figures les plus saillantes de son époque. Ses prétentions nobiliaires, les mille anecdotes extravagantes de son existence dissimulaient une personnalité qu'Antonio Machado révélait ainsi : « Don Ramón, comme don Quichotte, ignorait la peur ; pour lui n'existait pas de peur qui ne pût être vaincue par l'esprit... »

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Écrit par

  • : professeur émérite des Universités, membre correspondant de la Real Academia Española

Classification

Pour citer cet article

Bernard SESÉ. VALLE-INCLÁN RAMÓN DEL (1866-1936) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

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