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PSYCHOTHÉRAPIE ET ÉMOTION

Perspective historique sur la place des émotions en psychothérapie

Le champ de la psychothérapie ne s’est intéressé qu’au tournant du xxie siècle à l’émotion. Les pères fondateurs de la psychothérapie n’ont pas accordé aux processus émotionnels un rôle central dans leur modèle étiologique ou leur modèle d’intervention. Ils ont conçu l’émotion soit comme une conséquence des processus pathogéniques, soit comme une manifestation de ces processus, c’est-à-dire un symptôme plutôt qu’un facteur causal. Selon le modèle théorique correspondant, l’attention a été plutôt focalisée sur des conflits inconscients (par ex., en psychanalyse), sur les déterminants des comportements (par ex., en thérapie comportementale), sur les aspects relationnels (par ex., en thérapie systémique) ou sur les croyances (par ex., en thérapie cognitive) générant ou maintenant les processus pathogènes. Dans ce contexte, peu de techniques d’intervention ont directement visé les émotions en en faisant leur cible ou en les utilisant comme vecteur de changement.

Depuis 2000, l’avènement de nouveaux modèles psychothérapeutiques a radicalement changé la donne en mettant l’émotion au centre tant des modèles étiologiques que des interventions psychothérapiques. Ce changement est sous-tendu par un mouvement plus général dans l’univers de la psychothérapie. Les années 1980 et 1990 ont été marquées par un développement important des protocoles cliniques empiriquement validés et ciblant un diagnostic spécifique. Cet essor a été contrecarré par le constat que la plupart des patients correspondaient non pas à un, mais à plusieurs diagnostics. Pour faire face à cette situation, les psychothérapeutes se sont intéressés aux processus psychologiques sous-tendant les constellations de troubles. La psychothérapie s’est donc orientée dans les années 2000 vers une approche transdiagnostique, allant au-delà des catégories diagnostiques et ciblant directement les processus.

Dans cette perspective, les processus émotionnels sont apparus comme centraux. En effet, l’émotion est présente dans la quasi-totalité des troubles psychopathologiques, la personne peut souffrir d’émotions excessives ou, au contraire, d’une absence de vécu émotionnel ou encore du fait de ne pas savoir comment exprimer ses émotions de manière constructive. De plus, les théories des émotions à partir du xxe siècle intègrent des processus volontaires et des processus automatiques. Or, les troubles psychopathologiques sont souvent caractérisés par l’incapacité d’agir volontairement sur des processus (pensées, comportements, sentiments) qui surviennent de manière automatique et semblent échapper au contrôle volontaire. Les théories des émotions offrent donc des modèles utiles pour rendre compte de cette complexité et pour intervenir. En outre, comme les troubles psychopathologiques, les émotions mobilisent toutes les facettes de l’individu : physiologiques, cognitives, comportementales, sociales. Elles sont aussi de puissants motivateurs pour le changement et la poursuite de buts. Ces caractéristiques de l’émotion ont fait qu’elle constitue au début du xxie siècle un objet central de la psychopathologie et une cible privilégiée des interventions psychothérapeutiques.

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Écrit par

  • : professeur ordinaire, université catholique de Louvain (Belgique)

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Pour citer cet article

Pierre PHILIPPOT. PSYCHOTHÉRAPIE ET ÉMOTION [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

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