PSYCHOLOGIE CLINIQUE COMPORTEMENTALE ET COGNITIVE
La psychologie comportementale et cognitive est un courant de la psychologie clinique qui développe des modèles explicatifs des troubles mentaux. Au sein de ce courant, l’accent est mis sur la méthodologie expérimentale en vue de tester des hypothèses concernant l’acquisition et le maintien des troubles. Historiquement, la psychologie clinique comportementale a utilisé les théories de l’apprentissage pour développer des hypothèses et des techniques thérapeutiques alors que la psychologie clinique cognitive s’est développée en référence aux modèles de traitement de l’information. Selon l’approche cognitive, chaque syndrome psychiatrique correspondrait à un ou plusieurs dysfonctionnements cognitifs spécifiques. Les interventions cognitives cherchent à modifier chez un sujet les croyances ou postulats irrationnels au moyen desquels il traite inconsciemment l’information. La psychologie clinique comportementale et cognitive s’intéresse également aux déficits et biais cognitifs présents dans les troubles mentaux, ce qui la conduit à envisager une approche processuelle. Cette dernière postule que les états psychopathologiques s’expliqueraient par l’existence de processus cognitifs, émotionnels et comportementaux dysfonctionnels pouvant être communs à plusieurs troubles.
La psychologie clinique comportementale
John B. Watson (1878-1958) est à l’origine du courant comportemental (Behaviorism, 1925). Pour lui, la psychologie se définit comme la « science des comportements » et doit être objective et expérimentale. Il s’appuie sur les travaux de Pavlov sur le conditionnement répondant pour montrer comment les comportements peuvent être établis et renforcés. D’après Watson, le comportement humain s’élabore au travers d’apprentissages successifs : il serait induit et modifié par les interactions avec l’environnement. Par exemple, la phobie des chiens (peur pathologique) peut se développer à la suite d'une attaque d’un chien et d’une morsure. Le conditionnement répondant est fondé sur l’existence d’une réponse réflexe ou automatique (RI) qui se déclenche à la présentation d’un stimulus spécifique, non appris, le stimulus inconditionnel (SI). Pour qu’un conditionnement répondant s’établisse, il faut qu’un stimulus neutre (SN), le chien dans notre exemple, soit mis en contiguïté avec un SI, ici le chien qui mord, qui déclenche une réaction d’angoisse (RI). Par la suite, la vue d’un chien suffira à déclencher une réponse conditionnelle d’angoisse. Le conditionnement pavlovien est donc un phénomène d’apprentissage au cours duquel la présentation conjointe d’un stimulus conditionnel (originalement neutre) et d’un stimulus inconditionnel permet l’acquisition d’une réponse conditionnelle (RC) s’apparentant à la réponse inconditionnelle. Les phobies spécifiques de type animal et les états de stress post-traumatique pourraient résulter d’un conditionnement répondant.
Une trentaine d’années plus tard, Burrhus F. Skinner (1904-1990) se fait également le défenseur d’une science psychologique dont l’objectif est le comportement observable dans ses relations avec l’environnement (Science and Human Behavior, 1953). Pour lui, le comportement est essentiellement contrôlé par ses conséquences ; le comportement d’un sujet peut donc être structuré par les manipulations de renforcements environnementaux. L’organisme agit sur l’environnement de la même manière que l’environnement opère sur l’individu. Ce dernier aura tendance à reproduire ou à diminuer la fréquence de certaines réponses selon qu’elles sont ou non renforcées. Le conditionnement opérant de Skinner correspond ainsi à l’apprentissage d’un comportement en fonction des conséquences qui résultent de l’action de l’organisme. Ces conséquences peuvent être plaisantes ou déplaisantes. On parle de renforcement quand la conséquence entraîne l’augmentation du débit d’une réponse. Autrement dit, si le résultat observé est une augmentation de la fréquence du comportement, alors on parle de contingence de renforcement et il reste à déterminer si le renforcement est positif ou négatif. Le renforcement est positif lorsque l’émission du comportement est suivie d’un bénéfice agréable.
Le renforcement est négatif lorsque l’émission du comportement est suivie d’un retrait et (ou) de l’évitement d’un inconvénient. Si le résultat observé est une diminution de la probabilité de réapparition du comportement, alors il s’agit d’une contingence de punition et, là encore, il convient de déterminer si la punition est positive ou négative. Pour augmenter la probabilité d’apparition d’un comportement, différents types de programmes de renforcement ont été mis au point, ils varient en fonction de la relation entre la réponse et les conséquences positives :
– Le programme à renforcement continu, où chaque réponse est suivie d’un renforcement, semble favoriser une acquisition rapide de la réponse, mais est moins résistant à l’extinction. En effet, si on arrête le renforcement, le comportement va progressivement disparaître. Ce type de programme peut être employé auprès d’enfants souffrant d’un trouble envahissant du développement (TED), les parents ou l’équipe soignante ayant pour mission de renforcer positivement l’enfant à chaque émission du comportement à acquérir. L’analyse comportementale appliquée (appliedbehavioranalysis ou ABA) est une approche comportementale basée sur l’intervention intensive dans les apprentissages et appliquée aux enfants ayant un TED.
– Les programmes de renforcement partiel, eux, ne renforcent pas la conduite à chacune de ses émissions : le taux de renforcement varie soit selon une proportion fixe (trois réponses sur quatre sont renforcées), soit selon une proportion variable (le renforcement est présenté après un nombre variable de réponses). Les jeux de hasard représentent des programmes de renforcement à proportion variable ; la récompense étant aléatoire, elle entretient l’espérance du gain. De ce fait, l’extinction du comportement de jeu est très difficile à obtenir. Les programmes à renforcement partiel demandent un temps d’acquisition plus long, mais l’extinction de la réponse y est plus difficile. Pour Skinner, l’individu agit sur son milieu, à la différence de la théorie du conditionnement répondant, où la réponse de l’individu est sous le contrôle des contingences de l’environnement.
– L’apprentissage par habituation est la forme la plus simple d’apprentissage, présente chez le nourrisson de quelques mois comme dans toutes les espèces animales. Il correspond à la diminution progressive de la réaction d’alerte provoquée par tout objet nouveau et représente la capacité de l’organisme à ne réagir qu’aux changements de l’environnement. Cette forme d’apprentissage représente un des mécanismes actifs dans la technique comportementale d’exposition pour traiter les troubles anxieux. En effet, le maintien des troubles anxieux pourrait s’expliquer par un renforcement négatif : l’évitement de la situation anxiogène entraîne une diminution de l’anxiété à court terme et maintient le trouble anxieux à long terme. Au contraire de l’évitement du stimulus anxiogène, son exposition déclenche une montée anxieuse lors de la confrontation. Cependant la confrontation répétée à la situation anxiogène va entraîner une diminution progressive de l’anxiété par le principe d’habituation. Dans les programmes dits de désensibilisation, il est préférable de commencer l’affrontement par la situation la moins anxiogène pour terminer par la plus anxiogène, afin de créer ainsi des paliers d’habituation.
À ces modalités d’apprentissage, Albert Bandura ajoute l’apprentissage social par imitation. Après avoir repris les expériences montrant qu’un enfant peut arriver à ne plus avoir peur d’un animal s’il imite des enfants jouant sans peur avec cet animal, Bandura propose un modèle où le comportement (externe), la personne (cognitions, émotions) et l’environnement sont en constante interaction. L’individu ne se contente pas de réagir aux influences extérieures, il sélectionne et organise les stimuli de l’environnement. L’apprentissage social est décrit comme un processus d’observation et d’imitation : on observe comment les autres agissent et ils servent de modèles que l’on essaie d’imiter. L’individu acquiert des représentations d’activités qui vont ensuite servir de modèle pour le comportement correct. Il peut aussi influencer son comportement par le biais de motivations internes. Ainsi, l’individu et son environnement se déterminent l’un l’autre au sein de boucles rétroactives. Dans les interactions sociales, un processus de conditionnement opérant est aussi présent : le sujet observe chez le modèle la conséquence de son comportement. Si celui-ci est renforcé positivement, alors l’observateur aura tendance à l’imiter et inversement, c’est ce que l’on appelle l’apprentissage vicariant. Le renforcement est donc utilisé comme un agent de motivation plutôt qu’il n’accroît le débit des réponses. Les applications pratiques en clinique sont l’observation du modèle in vivo ou par l’intermédiaire de films. L’apprentissage social est utilisé pour acquérir de nouvelles compétences sociales dans l’entraînement à l’affirmation de soi.
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Écrit par
- Martine BOUVARD : professeure de psychologie clinique, université de Savoie
Classification
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- PSYCHOPATHOLOGIE
- PSYCHOLOGIE CLINIQUE
- CONDUITE, psychologie
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