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PRIX NOBEL DE PHYSIQUE 2018

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Arthur Ashkin et son outil révolutionnaire : la « pince optique »

Quant à l’Américain Arthur Ashkin, il est récompensé pour avoir mis au point au milieu des années 1970 la pince optique. Il s’agit d’utiliser la force résultant de la réfraction d’un faisceau laser en milieu transparent pour maintenir et déplacer physiquement de très petits objets comme des cellules, des bactéries, des molécules ou encore des atomes. Le laser employé ici n’est pas un laser à impulsions de très grande puissance, c’est le plus souvent un laser continu très stable délivrant quelques watts.

Arthur Ashkin est né le 2 septembre 1922 à Brooklyn, dans l’État de New York, de parents immigrés ukrainiens. Après avoir soutenu une thèse en physique nucléaire à l’université de Cornell, il est embauché en 1952 par les laboratoires de la compagnie de téléphone Bell (plus connus sous le nom de Bell Labs), le centre de recherche de ATT (American Telephone and Telegraph) aux États-Unis. Arthur Ashkin va y mener la quasi-totalité de sa carrière, quittant Bell Labs en 1992. Il va d’abord s’intéresser aux micro-ondes puis à l’optique non linéaire et aux lasers.

Le principe de la pince optique peut être compris par une approche d’optique géométrique (valable pour des objets plus grands que 0,5 µm, longueur d’onde moyenne de la lumière) et de l’impulsion des grains de lumière que sont les photons : si un simple rayon de lumière est envoyé sur un objet transparent d’indice plus élevé que le milieu qui l’entoure, celui-ci sera dévié en suivant les lois de Descartes ; cette déviation des grains de lumière conduit à une force de réaction imprimée à l’objet. Ce dernier, s’il peut se déplacer librement, va se positionner de façon à annuler toute déviation du rayon, c’est-à-dire se centrer sur celui-ci. Si on utilise deux rayons se croisant en un point, l’objet va se centrer sur chacun d’eux, c’est-à-dire au point de croisement. Un faisceau de lumière focalisée est un ensemble de rayons se croisant en un point, formant ainsi le piège optique. Comme on peut le montrer par des arguments énergétiques, le piège est également efficace pour des objets plus petits que la longueur d’onde de la lumière. L’objet piégé suit les mouvements du faisceau de lumière et peut être déplacé dans les trois dimensions, comme s’il était tenu par une pince.

C’est Arthur Ashkin qui a imaginé et compris le fonctionnement de la pince optique reposant sur la déviation des photons par l’objet manipulé. Mais ces photons de lumière produisent une force extrêmement petite sur l’objet. Si on fait réfléchir un faisceau d’un milliwatt (par exemple, celui d’un pointeur laser rouge) sur un miroir, la force de recul qui lui est appliquée est de 7 piconewtons (7 pN, 1 pN étant égal 10–12 N), soit mille milliards de fois plus petite que le poids moyen d’un verre de whisky. Arthur Ashkin a su très tôt comment optimiser les forces appliquées par les pinces optiques en utilisant des faisceaux laser et en les focalisant avec des objectifs de microscope. Les lasers sont les seules sources de lumière dont nous disposons qui peuvent être focalisées avec assez de puissance en un point donné pour créer une pince optique. C’est pour cela que les lasers sont utilisés et non pas pour le fait qu’ils délivrent une lumière cohérente (les photons émis n’étant pas distinguables, car ayant la même phase). Arthur Ashkin a réalisé que ce type de force n’avait d’effet que sur des objets très petits de quelques micromètres de dimension, comme des cellules ou des bactéries. Cet outil s’est révélé idéal en biologie pour manipuler et mesurer les forces à l’échelle d’une molécule comme les myosines qui sont les protéines des muscles et qui fonctionnent comme de minuscules moteurs capables de générer des forces de quelques piconewtons.[...]

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Écrit par

  • : docteur en sciences physiques, directeur de recherche au CNRS
  • : directeur de recherche au CNRS, Laboratoire de physique statistique de l'École normale supérieure

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Pour citer cet article

Philippe BALCOU et Vincent CROQUETTE. PRIX NOBEL DE PHYSIQUE 2018 [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Article mis en ligne le et modifié le 18/10/2018