PRÉVENTION DU PALUDISME

Nécessité d’une approche multipolaire d’un écosystème pathogène 

Il semble ainsi illusoire de s’appuyer sur une approche unique pour venir à bout d’une maladie liée à un écosystème complexe, à moins bien entendu de le détruire entièrement. L’approche vaccinale – celle qui a permis l’éradication presque totale de la fièvre jaune, autre maladie d’écosystème – n’est pas actuellement disponible. Une approche combinée empruntant à toutes les connaissances sur la biologie du Plasmodium et de son vecteur peut cependant faire reculer la maladie. C’est ainsi qu’entre les deux guerres le seul succès notable dans la lutte contre le paludisme a été l’éradication de la maladie dans la Palestine sous mandat britannique, en moins de cinq ans, entre 1922 et 1926. On procéda d’abord à une description scientifique de chaque zone impaludée : faune, flore, salinité, type de vecteurs et leur biologie, types de Plasmodium, habitat humain, mortalité et morbidité, etc. Sur chaque zone étudiée, on utilisa simultanément les moyens jugés alors les plus appropriés : drainage, pompage des canaux, insecticides, désherbage des rives, quinine et destruction des foyers locaux de ponte des anophèles, en particulier autour de l’habitat. En 1926, le paludisme avait ainsi pratiquement disparu de Palestine. Il en a été de même dans des îles de Dalmatie et dans quelques régions italiennes. Mais ces résultats ont été obtenus grâce à des investissements considérables, et surtout une volonté politique forte appliquée sur le terrain.

Enfant protégé par une moustiquaire imprégnée d’insecticide

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Les moustiquaires protègent efficacement contre les piqûres de moustiques. Elles sont imprégnées…

Peut-on obtenir des résultats par des moyens plus simples ? On sait que des actions de moindre envergure que les précédentes, mais chacune partiellement efficaces, peuvent donner d’excellents résultats lorsqu’elles sont associées. C’était déjà le cas dans le rapport de Nicolaas Swellengrebel en Indonésie en 1910, dont il propose de nouveau les conclusions à la Société des Nations en 1925. Ces gestes sont simples : éliminer les lieux de ponte des anophèles en supprimant l’eau stagnante autour des abreuvoirs et des puits, vider les récipients, dégager les rives des mares et des rivières, utiliser des moustiquaires, se protéger la nuit (puisque les moustiques piquent à ce moment-là), limiter le travail de nuit sans protection, soigner chaque cas de paludisme dès son apparition, etc. Pour que cette lutte soit efficace, la population doit impérativement être impliquée dans ces actions. Les mots clés de la lutte antipaludique deviennent alors : étude locale de la maladie et de son écosystème, éducation et sensibilisation des populations dans les zones impaludées, combinaison de méthodes, action quotidienne et prise de conscience que l’on peut venir à bout de la maladie. Les gestes de lutte contre la maladie et son vecteur doivent devenir automatiques dans le cadre de la construction d’une véritable culture antipaludique.

En Afrique de l’Ouest, une initiative forte est venue des mouvements communautaires de lutte antipaludéenne. À l’origine initiative individuelle, cette implication de la population s’est amplifiée. Les mouvements communautaires s’appuient sur l’organisation des villages et non sur un réseau de médecins et d’experts venus « d’en haut ». La prise en charge de la maladie est locale, largement démédicalisée et les femmes y ont une place essentielle dans le respect des protections (moustiquaires, élimination des eaux stagnantes) et dans le diagnostic et le traitement des cas de fièvre en particulier chez les jeunes enfants, le médecin n’intervenant qu’en cas de persistance de la maladie. Faute de moyens, cette initiative s’est développée trop lentement. Depuis 2000, le Fonds mondial de lutte contre la tuberculose, le sida et le paludisme ainsi que la fondation Melinda and Bill Gates, puis, depuis 2005, le programme Roll Back Malaria de l’O.M.S. et d’autres sources de financement,[...]

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Écrit par

  • Gabriel GACHELIN : chercheur en histoire des sciences, université Paris-VII-Denis-Diderot, ancien chef de service à l'Institut Pasteur

Classification

. In Encyclopædia Universalis []. Disponible sur : (consulté le )

Médias

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