PRÉVENTION DU PALUDISME

Se débarrasser des Plasmodium pour lutter contre le paludisme

On savait se protéger du paludisme en tuant le parasite bien avant les connaissances modernes sur la maladie. Le traitement contre les fièvres avec de l’écorce de quinquina, introduit en Europe par les jésuites au milieu du xviie siècle, a débarrassé par exemple Louis XIV de ses fièvres. Très à la mode à la Cour – on connaît lePoëme du quinquina rédigé par La Fontaine (et paru en 1682) –, ce remède était coûteux : finalement, dans toute l’Europe, on se résignait à vivre avec les fièvres. La nécessité de la prévention du paludisme aigu (la forme qu’il revêt sous les tropiques) ne s’est vraiment posée qu’avec la présence militaire en zones tropicales. Dans la lutte contre la traite négrière, débutée en 1807 par l’Angleterre, un navire patrouillant dans l’embouchure du fleuve Congo, pouvait perdre à cause des fièvres jusqu’à 50 p. 100 de son équipage en quelques jours. Après avoir rassemblé de nombreuses observations de médecins militaires, l’Amirauté britannique a élaboré en 1847 un règlement (rapport Bryson) prescrivant, chaque jour et sous le contrôle des officiers, la prise de sulfate de quinine (purifiée depuis 1820) aux équipages naviguant dans les zones à paludisme. La procédure a semblé remarquablement efficace puisque la mortalité est tombée au-dessous de 1 p. 100. Ce règlement a été complété par l’interdiction d’aller à terre le soir et la nuit et de mouiller à moins d’un mille nautique de la côte. Lors des opérations terrestres, le campement devait être établi sur les hauteurs, loin des rivières. Il est remarquable que cette stratégie efficace ait été mise au point en l’absence complète de connaissances sur l’origine du paludisme et sur sa transmission.

Au xxe siècle, la science moderne se borne à confirmer l’efficacité de cette stratégie : la quinine tue les Plasmodium. Celli mesure en 1902 l’utilité de la prophylaxie par la quinine sur des prisonniers, et établit aussi l’importance de la protection physique contre le vecteur (moustiquaires, protection individuelle et des lieux d’habitation). Sur la base de ces résultats, Grassi élabore un plan national de lutte contre le paludisme, largement fondé sur l’administration systématique de quinine. Cinq ans plus tard, l’échec est manifeste : en dépit d’une organisation médicale remarquable, la prophylaxie par la quinine n’est efficace que pour des groupes « disciplinés » (armée, cheminots, police…). Mais la population générale ne suit pas les recommandations. Le paludisme poursuit sa lente régression en Italie comme dans le reste de l’Europe, sans que la quinine y soit pour grand-chose. En 1925, la Commission du paludisme de la Société des Nations fait le même constat et déclare que la prophylaxie par administration d’un antipaludéen ne peut pas être préconisée comme politique d’État. On pensait à l’époque que l’échec était dû au fait que la population était récalcitrante devant cette médication quotidienne. La réalité est bien plus complexe, on le verra. Quoi qu’il en soit, cela ne signifie nullement que des médicaments actifs contre les Plasmodium s’avèrent toujours inefficaces. Leur efficacité est au contraire démontrée lors de conflits comme pour l’armée d’Orient en 1916 et pour les Américains pendant la guerre du Pacifique. Mais on retombe ici encore dans le constat de leur efficacité pour les groupes soumis à une forte contrainte.

On attend toujours des merveilles des molécules nouvelles mises au point par l’industrie chimique (comme les dérivés de l’acridine à partir de 1941) ou isolées de la nature (comme l’artémisinine en 1972 et ses dérivés utilisables depuis 1988). On n’a en fait jamais cessé de les utiliser dans des tentatives de prophylaxie de masse. Que valent ces traitements de masse menés régulièrement[...]

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Écrit par

  • Gabriel GACHELIN : chercheur en histoire des sciences, université Paris-VII-Denis-Diderot, ancien chef de service à l'Institut Pasteur

Classification

. In Encyclopædia Universalis []. Disponible sur : (consulté le )

Médias

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