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GRASSÉ PIERRE-PAUL (1895-1985)

Savant hors pair, Pierre-Paul Grassé, né à Périgueux le 27 novembre 1895, fut un des rares naturalistes à qui n'échappa aucun domaine du monde vivant, aucun problème que celui-ci soulève. Ce qui caractérise son œuvre si diverse, ce qui en fait l'originalité et en souligne la profondeur, c'est que toujours, à l'arrière-plan de la question étudiée, se rencontre la préoccupation de synthèse.

C'est dans le laboratoire de zoologie de Montpellier, dirigé par le professeur Dubosc, que Grassé commença sa carrière de chercheur. Le milieu scientifique dans lequel il se trouvait et assurément ses goûts personnels l'amenèrent à étudier les protozoaires, des êtres unicellulaires, donc les organismes les plus simples du règne animal, mais qui soulèvent de passionnants problèmes. Il a apporté une contribution fondamentale à la systématique de certains groupes, les sporozoaires par exemple ; il a retracé le cycle évolutif de plusieurs formes de flagellés et étudié leurs structures et leur ultrastructure.

L'observation de l'animal en action, la possibilité de le soumettre à l'expérimentation ont toujours constitué, pour Grassé (avec, comme fil conducteur, les principes transformistes) une voie de recherche qu'il a suivie tout au long de sa carrière. Les animaux sociaux constituent son matériel de prédilection. Ils posent de multiples problèmes et se prêtent aisément à l'expérimentation ; c'est en particulier le cas des termites. Chez les insectes, l'état social atteint le maximum de complexité. Pour les observer dans leur milieu et leur organisation sociale, Grassé a entrepris trois grands voyages en Afrique, continent spécialement riche en termites, visitant successivement le Sahara, l'Afrique occidentale (Niger, Haute-Volta, Côte-d'Ivoire et Guinée), l'Afrique équatoriale (Tchad, Oubangui).

Il a ainsi rénové une grande partie de la systématique de ces insectes : il a décrit les curieux aspects de leur sexualité qui offre des caractères que l'on ne rencontre dans aucun autre groupe du règne animal ; il a mis en évidence les principales fonctions concernant les phénomènes sociaux : effet de groupe, corrélation sociale, régulation sociale. Les trois volumes regroupés sous le titre Termitologia couronnent ces vastes recherches. Il ne paraît pas douteux pour Grassé que les résultats acquis sur les sociétés animales ne puissent avoir une répercussion sur la sociologie humaine.

Titulaire, à la Sorbonne, de la chaire d'évolution des êtres organisés, Grassé se devait d'apporter une contribution à l'évolutionnisme — et, dans ce domaine, il a donné d'importants travaux sur l'adaptation et les mécanismes de l'évolution. Dans un beau livre, L'Évolution du vivant (1973), il souligne les paralogismes de maintes théories modernes, il rejette l'aléatoire auquel tant d'auteurs accordent actuellement un rôle primordial et, selon lui, une finalité de la création ne peut être exclue.

Grassé a abordé le problème de l'homme, mieux, le phénomène humain. Il l'a étudié non pas en anthropologiste, mais en biologiste, avec l'expérience que lui donnait sa connaissance de la vie.

En quels termes et selon quelle perspective convient-il de poser le problème de l'homme ? L'homme émerge de l'animalité, il y tient par son être corporel et par ses fonctions ; mais, en dépit de ces ressemblances structurales, il est bien autre chose qu'un animal. Pour comprendre l'homme, il faut aller bien au-delà de son anatomie. Certes, son évolution s'est déroulée selon les règles qui conditionnent celle des autres animaux, mais elle s'est orientée vers un accroissement et une complication du cerveau, spécialisation qui toutefois n'est pas comparable à celle qu'on observe dans le règne animal. Elle ne condamne pas l'être humain à n'exécuter qu'une[...]

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Écrit par

  • : professeur honoraire à la Sorbonne, membre de l'Académie des sciences

Classification

Pour citer cet article

Jean PIVETEAU. GRASSÉ PIERRE-PAUL (1895-1985) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • CONSTRUCTIONS ANIMALES

    • Écrit par Rémy CHAUVIN
    • 7 164 mots
    • 7 médias
    ...sont aussi les plus complexes de tous ; certains présentent une structure si régulière et si complexe qu'on les croirait sortis de la main de l'homme. Grassé a décrit nombre de ces nids et il a élucidé spécialement la structure du grand nid de Bellicositermes natalensis. Il se compose d'une enveloppe...
  • INSTINCT

    • Écrit par Georges THINÈS
    • 9 424 mots
    • 1 média
    Indépendamment de la discussion du schéma de Tinbergen, il convient de souligner à ce propos une remarque de P.-P. Grassé (1956), dont les travaux sur le comportement des termites constituent une contribution de premier plan à l'éthologie des Invertébrés. Étudiant la parade chez ces Insectes, Grassé...
  • ISOPTÈRES

    • Écrit par Robert GAUMONT
    • 3 644 mots
    ...volumineux que les ouvriers et les soldats. Dans le cas de la reine en particulier, l'abdomen s'hypertrophie de façon caractéristique : d'après P.-P.  Grassé, une femelle de Bellicositermes natalensis peut, au cours des ans, multiplier sa masse initiale par cent vingt-cinq ; la reine de Cephalotermes...
  • RÉDUCTIONNISME & HOLISME

    • Écrit par Jean LARGEAULT
    • 6 970 mots
    ...sélection élimine et ne crée pas, est-elle pertinente ? La création de systèmes régulateurs sans intervention de l'organisme est difficilement croyable. P.-P.  Grassé cite la coagulation du sang. Ce dispositif complexe, qui ne fonctionne que si toutes ses parties sont présentes, ne peut pas avoir été monté pièce...

Voir aussi