Abonnez-vous à Universalis pour 1 euro

DRIEU LA ROCHELLE PIERRE (1893-1945)

De l'entre-deux-guerres français, des fastes et misères de sa bourgeoisie, aucun témoin plus intéressant que cet écrivain admirablement intelligent et doué, mais rongé, dès sa naissance, d'une sorte de maladie de vivre incurable qui lui fit entreprendre une série d'expériences promises invariablement à l'échec et le conduisit au suicide.

Les désillusions

Né à Paris en 1893 de parents qui ne s'étaient jamais aimés et qui se déchirèrent sans avoir le courage de divorcer, Drieu a raconté dans Rêveuse bourgeoisie (1937), un de ses romans les plus accomplis, tout ce qu'il avait vu de ses yeux d'enfant, l'horreur du spectacle quotidien de l'adultère, de la jalousie, des disputes et des tracas d'argent – et sans doute faut-il voir dans cette traumatisante initiation l'origine de son désenchantement. Drieu, dans son Récit secret, fait remonter à l'âge de sept ans sa première tentative de suicide. Décollé pour ainsi dire de lui-même et cherchant à combler cette béance dans toutes les aventures que lui présentait son siècle, le voilà, sous les apparences viriles qu'il se voulait donner, en réalité la proie des moindres vents, illusions et duperies en cours (y compris les voitures, les comtesses, l'argent, les boîtes).

Il partit pour la guerre de 1914 – où il fut blessé deux fois – avec l'élan du faible qui cherche à se prouver qu'il existe, mais découvrit bientôt l'immense duperie de ce massacre. « Quelle ressemblance entre mes rêves d'enfance où j'étais un chef, un homme libre qui commande et qui ne risque son sang que dans une grande action, et cette réalité de mon état civil qui m'appelait, veau marqué entre dix millions de veaux et de bœufs ? » Dans cette phrase, tirée de La Comédie de Charleroi (1934), tenue en général pour son chef-d'œuvre, on trouve tout Drieu : un homme à la fois trop lucide pour ne pas découvrir ses erreurs et trop inconsistant, ou trop blessé, pour ne pas éprouver le besoin de se travestir en chef, en héros.

La suite de cet article est accessible aux abonnés

  • Des contenus variés, complets et fiables
  • Accessible sur tous les écrans
  • Pas de publicité

Découvrez nos offres

Déjà abonné ? Se connecter

Écrit par

  • : ancien élève de l'École normale supérieure, agrégé d'italien, docteur ès lettres

Classification

Pour citer cet article

Dominique FERNANDEZ. DRIEU LA ROCHELLE PIERRE (1893-1945) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • GILLES, Pierre Drieu la Rochelle - Fiche de lecture

    • Écrit par Philippe DULAC
    • 1 170 mots

    Lorsqu'en 1937, Drieu la Rochelle (1893-1945) entreprend la rédaction de Gilles, son ambition est de parvenir à un livre-somme qui, par l'ampleur de son propos, l'installe enfin au rang des grands écrivains de son temps, aux côtés d'Aragon, de Malraux ou de Montherlant. Certes, à l'âge de quarante-quatre...

  • REFUS ET VIOLENCES (J. Verdès-Leroux) - Fiche de lecture

    • Écrit par Jacques LECARME
    • 1 646 mots

    Il faut d'abord saluer le travail énorme, méthodique et maîtrisé de Jeannine Verdès-Leroux, qui entreprend, avec Refus et violences (Gallimard), de brosser le tableau d'une génération d'écrivains d'extrême droite. Personne, avant elle, n'avait inventorié cette masse de...

Voir aussi