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NUCLÉAIRE Sûreté des centrales nucléaires

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Un accident nucléaire majeur est loin d'être improbable

L'évaluation de la sûreté des centrales nucléaires actuelles est fondée sur une approche probabiliste. L' objectif de la doctrine de sûreté française a toujours été affiché comme la recherche d'une conception et d'un contrôle permettant de garantir que la probabilité d'un accident grave, avec destruction importante et fusion du cœur, reste inférieure à 10 – 5 (1/100 000) par réacteur et par an, et que celle d'un accident majeur, accident grave non maîtrisé conduisant à d'importants relâchements de radioactivité, reste inférieure à 10 – 6 (1/1 000 000)par réacteur et par an.

Le risque d'accident majeur dans une centrale nucléaire a été généralement considéré comme la combinaison d'un événement d'une gravité extrême et d'une très faible probabilité d'occurrence. Les promoteurs du nucléaire, mettant en avant cette très faible probabilité, affirmaient « qu'il n'y avait aucun danger ». Si la gravité des conséquences d'un tel accident a bien été confirmée par Tchernobyl et Fukushima, que peut-on dire aujourd'hui de la réalité de son occurrence ?

Le parc mondial actuel de centrales nucléaires étant d'environ 450 réacteurs ayant fonctionné pendant trente et un ans, ce qui correspond à 14 000 années/réacteur (un réacteur fonctionnant pendant un an), la probabilité affichée d'un accident majeur conduit à 0,014 accident majeur possible pour l'ensemble du parc et pour cette durée de fonctionnement (14 000/1 000 000 = 0,014). Résultat très faible : l'accident majeur serait donc extrêmement improbable, voire impossible.

Mais, sur ce parc, quatre réacteurs ont connu un accident majeur (un à Tchernobyl et trois à Fukushima). L'occurrence observée nous indique donc que le nombre d'accidents, quatre, a été environ trois cents fois supérieur (4/0,014 = 286) à ce qui était attendu sur la foi du calcul théorique des probabilités.

Cet écart est considérable. Il nous montre que le calcul de probabilités est incapable de prendre en compte tous les facteurs de risque, en particulier le facteur humain, les phénomènes climatiques considérés comme impossibles, les actes de sabotage par des méthodes inconnues ou sous-estimées, voire les actes de guerre, et surtout la combinaison de différentes causes, ce qui arrive toujours dans un accident de ce type. On est donc très loin de l'accident très improbable. Et cela sans prendre en compte les piscines de stockage des combustibles irradiés, les usines de production et d'utilisation du plutonium, les transports et stockages des déchets radioactifs. La réalité constatée remet profondément en cause l'approche probabiliste de la sûreté nucléaire.

Il y a eu quatre accidents majeurs dans le monde depuis trente ans : c'est un avertissement sérieux pour l'Union européenne (143 réacteurs au début de 2011), qui représente un tiers du parc mondial, et pour le parc français (58 réacteurs) qui en représente 13 p. 100.

La nature même des réacteurs nucléaires qui produisent en leur sein des matières radioactives extrêmement dangereuses, couplée à l'impossibilité de garantir la maîtrise de la machine en toutes circonstances (imaginable ou inimaginable) devrait conduire logiquement à renoncer à cette technique de production d'électricité. Pour cette raison, certains pays ont décidé de « sortir du nucléaire ». C'est le cas de l'Allemagne, qui avait annoncé en 2000 l'abandon progressif de l'utilisation de l'énergie nucléaire et qui a proclamé, après l'accident de Fukushima, un arrêt définitif de ses centrales au plus tard pour 2022.

— Bernard LAPONCHE

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  • : expert en politiques de l'énergie et de maîtrise de l'énergie

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Pour citer cet article

Bernard LAPONCHE. NUCLÉAIRE - Sûreté des centrales nucléaires [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Article mis en ligne le et modifié le 12/04/2012

Autres références

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