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MULTIVERS

Manières de faire des mondes : un multivers gigogne

Curieusement, la plupart des théories aujourd'hui utilisées en cosmologie conduisent, d'une manière ou d'une autre, à l'existence de mondes multiples.

La relativité générale, description relativiste de la gravitation, joue un rôle central dans la compréhension globale de l'Univers. Elle conduit à penser une géométrie dynamique dont l'évolution est dictée par les corps qui s'y meuvent. Plus profondément, elle montre en fait que l'espace et le champ gravitationnel sont une seule et même entité et que la physique doit être pensée de manière indépendante du fond sur lequel elle se déploie. Or deux des trois géométries prédites par la relativité générale dans le contexte cosmologique conduisent à un espace strictement infini (au moins dans le cas des topologies les plus simples). Notre Univers, défini comme l'ensemble de ce qui nous est causalement connecté – autrement dit comme une sphère, centrée sur la Terre, de quelques dizaines de milliards d'années-lumière de rayon –, ne serait alors qu'une infime parcelle de ce méga-monde. Tout ce qui peut se produire avec une probabilité non nulle (et en particulier l'existence de copies à l'identique de notre propre Univers) doit se produire quelque part.

Cette même relativité générale ouvre également la porte sur d'autres mondes – plus hypothétiques – lorsque l'on considère l'intérieur des trous noirs en rotation ou porteurs d'une charge électrique.

La mécanique quantique, l'autre grande révolution physique du xxe siècle, peut elle aussi conduire à l'existence d'univers multiples. L'interprétation du physicien Hugh Everett, III (1930-1982) – qui n'est indiscutablement pas la plus orthodoxe mais qui présente l'immense avantage de ne nécessiter aucune hypothèse ad hoc supplémentaire – conduit naturellement à supposer que chaque mesure physique induit une décomposition de la fonction d'onde universelle en différentes branches et donc en différentes histoires et en différents mondes. Tout ce qui aurait pu se produire se produit effectivement dans l'un de ces mondes parallèles.

C'est pourtant lorsque mécanique quantique et relativité générale se réunissent que les multivers les plus étonnants et les plus importants semblent naîtrent.

D'abord dans l'approche de la gravitation quantique à boucles, qui, sans prétendre à l'unification, offre un cadre cohérent et robuste de construction d'une théorie non perturbative et invariante de fond (autrement dit intégrant profondément et exhaustivement les leçons de la mécanique quantique et de la relativité d'Einstein). Celle-ci conduit à remplacer les singularités au cœur des trous noirs par des « rebonds » qui permettent d'imaginer chaque trou noir comme le géniteur d'un nouvel univers. La violence du rebond cause une légère variation des lois et un mécanisme « darwinien » de création d'univers peut alors être supposé. La sélection naturelle fait évoluer les lois de la physique vers l'état maximisant alors la création de trous noirs dans chaque univers.

Ensuite, et peut-être même surtout, c'est lorsque sont conciliées inflation cosmique et théorie des cordes que le multivers le plus étudié aujourd'hui se profile. L'inflation, augmentation considérable du facteur d'échelle dans les premiers instants, est aujourd'hui partie intégrante du paradigme du big bang. Elle résout l'essentiel des paradoxes et génère naturellement les perturbations qui permettront de former les structures de l'Univers. Dans sa version éternelle, elle dessine un méta-univers en perpétuelle inflation constitué d'une myriade d'univers-bulles. La théorie des cordes ne jouit évidemment pas du même statut : spéculative[...]

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Écrit par

  • : enseignant-chercheur à l'université de Grenoble-I et au laboratoire de physique subatomique et de cosmologie de Grenoble

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Pour citer cet article

Aurélien BARRAU. MULTIVERS [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

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