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ANAND MULK RĀJ (1905-2004)

Mulk Raj Anand fut, avec Raja Rao et R. K. Narayan, l’un des pères fondateurs de la littérature indienne en langue anglaise dans les années 1930. Né en 1905 à Peshawar, dans ce qui est devenu le Pakistan, il commença ses études de philosophie dans son pays pour les achever à Cambridge et à Londres où, préparant son doctorat, il rencontra Virginia Woolf et le groupe de Bloomsbury. Converti au marxisme, il s’engagea dans la guerre d’Espagne et se lia d’amitié avec George Orwell et H. G. Wells qu’il fréquenta régulièrement pendant la Seconde Guerre mondiale. Peu après la fin des hostilités, il retourna en Inde et fonda Marg, une revue consacrée aux arts. Il s’impliqua alors dans l’édition et occupa différents postes d’enseignement dans des universités de son pays.

Bien qu’il ait écrit de nombreuses nouvelles et essais, Anand est surtout connu pour son premier roman Untouchable, publié en 1935. Parce qu’il est un « intouchable », Bhakta, le jeune protagoniste, doit passer sa vie à nettoyer les toilettes. L’intrigue retrace un jour de son existence et les humiliations subies au contact de ceux qui l’évitent, de peur d’être contaminés par son « impureté ». Le sujet était brûlant dans une Inde qui, avant l’indépendance obtenue en 1947, n’avait pas encore officiellement aboli le système des castes. E. M. Forster préfaçait ce roman en écrivant qu’il « n’aurait pu être écrit que par un Indien et un Indien qui observait de l’extérieur ». Parce qu’il appartenait à la caste relativement élevée des Kshatriya, Anand connaissait la prégnance des préjugés qui conduisirent d’ailleurs à l’excommunication et au suicide d’une de ses tantes, qui avait eu l’audace de dîner avec une musulmane. Dans Untouchable, l’auteur contemple l’Inde avec le recul que lui a procuré son expérience de la vie en Angleterre et sa discipline philosophique. Inspiré par les idées de Gandhi, Untouchable est empreint du « réalisme socialiste » populaire en Europe dans les années 1930. Anand a également recours à des dialogues dans lesquels il reproduit en anglais la vigueur de la langue utilisée par ses compatriotes. Il est ainsi l’un des premiers écrivains du Commonwealth à pratiquer une véritable polyphonie des discours en exploitant au mieux les potentialités subversives de la diversité linguistique. Dans la même veine, il publie Coolie (1936), l’histoire dickensienne d’un jeune paysan de quinze ans que le besoin conduit dans la jungle malsaine de la grande ville, où il est exploité comme un esclave pour finalement mourir de tuberculose. Two Leaves and a Bud (1937) raconte la tragédie d’un paysan sans terre, contraint de travailler sur une plantation de thé, et qui perd la vie en tentant de protéger sa fille d’un officier britannique qui veut la violer. La trilogie qui comprend The Village (1939), Across the Black Waters (1940) et The Sword and the Sickle (1942) reflète une critique féroce des injustices sociales. Le protagoniste quitte la campagne du Pendjab, attiré par les lueurs de la ville. Bientôt, après avoir enfreint les règles de sa société d’origine, il s’engage dans l’armée britannique qui l’envoie combattre en Flandre pendant la Première Guerre Mondiale.

Les romans que publia Anand après son retour en Inde, The Private Life of an Indian Prince (1953) en particulier, reflètent souvent, de près ou de loin, la vie de l’auteur. Plus nettement autobiographique, Seven Summers (1951), version romancée de l’enfance d’Anand, est le premier volume d’une série qui comprend Morning Face (1968), Confession of a Lover (1976), The Bubble (1984) et Little Plays of Mahatma Gandhi (1991).

Polygraphe, Anand écrivit plusieurs volumes de critique littéraire sur la poésie indienne, ainsi qu’un Homage to Tagore (1946). Il fut aussi un vulgarisateur des arts dans son pays, comme on le voit à travers[...]

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Pour citer cet article

Jean-Pierre DURIX. ANAND MULK RĀJ (1905-2004) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • INDE (Arts et culture) - Langues et littératures

    • Écrit par Jean-Pierre DURIX, Jacqueline FILLIOZAT, François GROS
    • 10 472 mots
    • 3 médias
    Avec Mulk Raj Anand (1905-2004), le roman indien puise aux sources du réalisme européen des années 1930. Inspiré par une esthétique marxiste, Anand dénonce l'exploitation sociale fondée sur le système des castes dans Untouchable (1935) et Coolie (1936). Dans son roman philosophique The Serpent...
  • POSTCOLONIALES ANGLOPHONES (LITTÉRATURES)

    • Écrit par Jean-Pierre DURIX, Vanessa GUIGNERY
    • 9 074 mots
    • 5 médias
    Peu d'écrivains postcoloniaux véritablement originaux apparaissent avant les années 1930. L'Indien Mulk Raj Anand (1905-2004), disciple de Gandhi et pourfendeur du système des castes, dénonce, à travers une rhétorique aux accents parfois marxistes, les travers de la société traditionnelle dans...

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