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MORT À CRÉDIT, Louis-Ferdinand Céline Fiche de lecture

Louis-Ferdinand Céline - crédits : Daniel Frasnay/ AKG-images

Louis-Ferdinand Céline

Paru en mai 1936, Mort à crédit est le deuxième roman de Louis-Ferdinand Céline (1894-1961). Quatre ans plus tôt, ce médecin de banlieue, tard venu à l'écriture, avait créé l'événement littéraire avec Voyage au bout de la nuit. Ce livre coup de poing, d'une rare violence de ton et de vision, avait divisé les critiques. Beaucoup néanmoins y avaient vu un chef-d'œuvre parvenant, par sa dimension et sa puissance narrative, à se faire l'écho des convulsions et des tragédies de l'époque.

Mort à crédit s'inscrit dans la lignée de Voyage au bout de la nuit. On y retrouve le même héros-narrateur, Ferdinand Bardamu, désormais désigné par son seul prénom : il restera le personnage central de l'œuvre de Céline et, d'une certaine manière, son double, avant de se fondre, à partir de Féerie pour une autre fois (1952), dans Céline devenu personnage. On retrouve aussi dans Mort à crédit les mêmes allures d'apparente autobiographie : dès les premières pages, Ferdinand se présente au lecteur en tant que médecin-écrivain. En fait, tout comme dans le Voyage au bout de la nuit, il s'agit non pas des mémoires d'une vie, mais bien d'une œuvre de fiction où le vécu de l'auteur, même s'il constitue sa principale source d'inspiration, se trouve constamment transposé, déformé et inventé.

Une chronique noire

Voyage au bout de la nuit narrait le passage initiatique de Bardamu dans le monde des adultes ; Mort à crédit revient en arrière pour retracer les années de jeunesse du personnage. Mais, alors que le récit d'enfance et d'adolescence propose souvent la vision idéalisée du passé et l'exaltation nostalgique d'un paradis perdu, Céline rédige ici la chronique noire d'existences sordides.

C'est à Paris, vers 1900, entre la Bourse et les grands boulevards, dans un Paris populaire de petits artisans et commerçants, que se déroule l'enfance de Ferdinand, fils unique d'un rédacteur aux Coccinelle-Assurances et d'une marchande de dentelles. La famille réside passage des Bérésinas, galerie couverte empuantie par l'éclairage au gaz, dans un petit logis au dessus de la boutique : « Ma mère escaladait sans cesse, à cloche-pied. Ta ! pa ! pam ! Ta ! pa ! tam ! Elle se retenait à la rampe. Mon père ça le crispait de l'entendre. Déjà il était mauvais à cause des heures qui passaient pas. Sans cesse il regardait sa montre. Maman en plus, et sa guibole, ça le foutait à cran pour des riens. » Entre les coups de sang d'un père velléitaire et les jérémiades d'une mère boiteuse, Ferdinand y apprend les premières leçons de la vie : la gêne des petites gens, les courbettes devant les clients, les combines, le linge douteux, tous les vices des adultes.

Après une scolarité élémentaire bâclée, ses parents placent Ferdinand en apprentissage comme manutentionnaire chez Berlope, maison de rubans-garniture, puis comme représentant chez Gorloge, joaillier : exploité, grugé et même violé, il y poursuit son expérience du monde. Cette entrée dans le commerce s'avérant peu concluante, on l'expédie en séjour linguistique au Meanwell College, en Grande-Bretagne, où il n'apprend pas un mot d'anglais. De retour en France, il jette une machine à écrire à la tête de son père au cours d'une dispute. Banni du foyer familial, son oncle lui fait rencontrer Courtial des Pereires, vulgarisateur scientifique, éditeur de la revue Le Génitron, champion d'ascensions en ballon et turfiste invétéré, dont il devient le « secrétaire du matériel ». Celui-ci finissant par se suicider, Ferdinand, désormais jeune homme, décide de s'engager dans l'armée. Mort à crédit finit là où commençait Voyage au bout de la nuit.

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Écrit par

  • : agrégé de lettres modernes, ancien élève de l'École normale supérieure

Classification

Pour citer cet article

Philippe DULAC. MORT À CRÉDIT, Louis-Ferdinand Céline - Fiche de lecture [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Média

Louis-Ferdinand Céline - crédits : Daniel Frasnay/ AKG-images

Louis-Ferdinand Céline

Autres références

  • CÉLINE LOUIS-FERDINAND (1894-1961)

    • Écrit par Philippe DULAC, Universalis
    • 4 996 mots
    Tout cela constitue un milieu petit-bourgeois prédisposant peu à l'éclosion d'un créateur de génie... Céline, dans Mort à crédit, transformera ce milieu en prolétariat sordide, exagérant les coups de gueule et de sang de son père, outrant le corps claudicant et souffrant de sa mère,...
  • CÉLINE LOUIS-FERDINAND - (repères chronologiques)

    • Écrit par Jean-François PÉPIN
    • 508 mots

    27 mai 1894 Naissance à Courbevoie, en banlieue parisienne, de Louis Ferdinand Destouches, nom de baptême de Céline.

    1899 Sa famille s'installe passage Choiseul, à Paris. Elle y restera huit ans.

    1900 Exposition universelle de Paris.

    1912 S'engage pour trois ans dans un régiment de cuirassiers....

Voir aussi