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MONTJOIE SAINT-DENIS

Cri de guerre des Capétiens, « Montjoie Saint-Denis ! » a succédé au simple « Montjoie ! » des xie et xiie siècles. Dans le roman de Guillaume au court nez on lit : « Roy Looy escrie Montjoie ! Diex aïe ! » Dans le roman de Wace : « Francheis crient Montjoie ! et Normans Dex aïe ! » Mais, à Bouvines (27 juill. 1214), alors qu'autour d'Otton on crie « Rome ! », autour de Philippe le cri de guerre est « Montjoie Saint-Denis ! ». Par la suite, en Bourgogne on a dit « Montjoie Saint-André ! » ; en Anjou « Montjoie Anjou ! » Le cri des ducs de Bourbon était « Montjoie Notre-Dame ! » ; celui de la maison royale d'Angleterre « Montjoie Notre-Dame Saint-Georges ! »

L'origine du cri de guerre est malaisée à établir, mais évidemment liée à celle des monts-joie. Ce mot, masculin et féminin, a désigné, entre autres, une colline, un tas de pierres, une bannière royale, un oratoire. On pense communément, en France, que mont-joie procède d'un francique mundgawi (« protection de territoire » ou « Protège le territoire ! »). Mais cette explication a contre elle le fait que l'on trouve en Bretagne (fort peu touchée par les invasions franques) à la fois des Montjoie et des Bre Levenez, toponymes qui signifient exactement la même chose, les uns et les autres fort anciens. D'autre part, en Cornouaille et au Pays de Galles, on retrouve des toponymes du type Bre Levenez. Enfin, ces collines, ces tas de pierres appelés monts-joie sont, d'abord, des collines situées près d'une route ancienne, des tas de pierres pareillement localisés, occasionnellement au col d'une montagne, et quelquefois associés à un dieu ou aux défunts. On observe des faits semblables dans des pays fort divers (Afrique, Madagascar, Nouvelle-Zélande, etc.). Mont-Joie ne peut donc être qu'une traduction pure et simple du gaulois, où le terme de « joie » a un sens très étendu, comme ses prototypes celtiques (cornique, levene ; irlandais, failte, etc.) qui sont également une formule de salutation et évoquent les joies de la vie future.

À Saint-Denis, traversé par une voie préhistorique, l'Estrée, existait encore au xviiie siècle une mont-joie à trois kilomètres de la basilique. Au xie siècle, les monts-joie avaient conservé un caractère sacré et, à Saint-Denis, la mont-joie s'est trouvée associée au saint. Quel qu'ait été le lieu du martyre de saint Denis, les fouilles les plus récentes (Crosby et Formigé) ont montré qu'il fut inhumé à Saint-Denis. Associer par la suite la royauté à Montjoie relève de la tendance, en France comme ailleurs, à auréoler la royauté d'une origine sacrée. Cela est confirmé par la légende qui se répand au temps de Charles V le Sage : Clovis aurait été victorieux à Montjoye, près de Saint-Denis, grâce à un écu portant trois fleurs de lis d'or sur champ d'azur ; cet écu, Clotilde l'avait fait confectionner sur les conseils d'un saint ermite pour remplacer l'écu habituel portant emblème païen. Ce miracle était, disait-on, commémoré par le cri de guerre.

— Paul QUENTEL

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Pour citer cet article

Paul QUENTEL. MONTJOIE SAINT-DENIS [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • ORIFLAMME

    • Écrit par Hervé PINOTEAU
    • 906 mots

    Les premiers rois capétiens, comme tous les autres souverains et même les Carolingiens, devaient avoir un étendard à queues attaché à une lance. Sur la mosaïque du triclinium du Latran on voit le roi Charles (c'est-à-dire Charlemagne vers 796-798, avant son couronnement impérial)...

Voir aussi