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DEGUY MICHEL (1930-2022)

Michel Deguy est né à Paris le 23 mai 1930. Il fait ses études au lycée Pasteur de Neuilly-sur-Seine (Hauts-de-Seine), puis à Louis-le-Grand (Paris Ve). Reçu à l’agrégation de philosophie en 1953, il enseigne notamment à l’université Paris-VIII. Proche du philosophe Jacques Derrida, il préside de 1989 à 1992 le Collège international de philosophie, puis la Maison des écrivains de 1992 à 1998. Également homme de revues, il participe au comité de rédaction de Critique et Les Temps modernes, et fonde la revue Po&sie en 1977. Il meurt à Paris le 16 février 2022.

« Nul ne fut hanteur plus obstiné ; qui mit plus de ruse, plus de résolution au service d'une hantise vaine ; nul plus insistant à imiter le flux et le reflux de l'élément ; à devenir élément-homme, d'universelle hantise ; à revenir buter, blesser obstinément contre les arbres, contre le ciel, contre la mer ; à se dresser comme obstacle, érigeant la douane de silence à toutes les limites où reviennent fuir l'inlassable vague et l'inlassable oiseau et l'inlassable vent ; interposé entre le sable et l'écume, entre la falaise et l'orage, entre la lisière et le blé, lui ; le revenant, partout pour se substituer à l'élément que heurte un autre, et pour y devenir capable de bénédiction ; lui, l'être des confins... »

Ces lignes de Michel Deguy en lisière de Fragment du cadastre (1960), ce n'est pas hasard mais bien coïncidence si elles sont reprises, re-citées, treize ans plus tard, dans le Tombeau dont le poète, gardien de la mémoire, offre l'abri à l'auteur des Regrets (Tombeau de Du Bellay, 1973) : elles prédisaient en effet bien une odyssée dont le lecteur et l'auditeur n'auront pas de sitôt fini de mesurer l'erre, ni les îles par elle réinventées. Aucune perspective unique, aucun fil ne saurait suffire à tirer, cerner, aligner une œuvre toujours en procès, les mille tours d'une bonne diction sans analogue en notre langue même là – et là même – où, en un siècle plus qu'amnésique, elle retourne (à) la tradition, y renoue, s'y ressource, par le même détour cathartique qui conduisit Ulysse chez Alkinoos et l'y fit rencontrer sa propre légende. Telle l'ulysséenne, la ruse poétique est piété, foi de l'errant dans son errance même, réassurance en sa dépossession constitutive ; et « traduire » Du Bellay ou d'autres (Sappho, Dante, Góngora, Hölderlin, Baudelaire, Mallarmé, Celan, mais aussi ses contemporains méconnus, largement présents dans la revue Po&sie), c'est toujours à nouveau affronter le risque de se traduire devant eux : refuser le confort d'une position, élire pour séjour éthique du poète le non-lieu de l'attente, se reconnaître même dans l'être-autre, « se vouer à l'étonnement qui s'insère latéralement dans chaque moment pour ressaisir ce chiffre de l'origine dans les choses du spectacle » (Actes, 1966).

Tel est le cap que tient obstinément Michel Deguy, « Le poète de profil / Le poète à l'équerre de corps et d'ombre sur les seuils... » (Ouï-dire, 1966), « nomade qui déserte par horreur de la trace » (Biefs, 1964), toujours précédé du poème qui « commue / la peine en roseau / la pudeur en laurier / le meurtre en perdix... » (Ouï-dire), assumant – c'est sa vie – le « mystère du comme » (Figurations, 1969), interposé dans les « Interdictions du séjour » (Jumelages, suivi de Made in USA, 1978) pour mieux dire, pour bien dire, la « grande apposition du monde » (Poèmes de la presqu'île, 1962). Penché dans une imposture essentielle, fondatrice : « Où suis-je / non pas portier tranquille de l'intérieur et de l'extérieur / mais sans épaisseur, entre deux eaux, non, entre deux / airs, deux courants de silence... » ([...]

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Écrit par

  • : enseignant en littérature générale et comparée à l'université de Paris-VIII, poète et traducteur
  • Encyclopædia Universalis : services rédactionnels de l'Encyclopædia Universalis

Classification

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