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BARRÉ MARTIN (1924-1993)

Recherches conceptuelles et minimalistes

Désormais, Barré travaille sur une touche qui « se fait espace », une couleur qui est d'abord espace avant d'être forme. C'est ainsi qu'il opère progressivement une réduction drastique des moyens picturaux qui déterminent, vers le milieu des années 1960, une comparaison, également erronée, avec les démarches minimales américaines telles que celles de Robert Ryman ou Agnès Martin. Barré cherche la mobilité et la rapidité dans le mode d'inscription de la figure pour prêter le moins possible le flanc au poids déformant du temps, à la lourdeur d'un espace tenu dans les limites d'une élaboration picturale conventionnelle, en d'autres termes pour soustraire la surface de son tableau aux lois de sa propre réalité et en faire l'élément constitutif d'un vaste espace général. Entre 1963 et 1967, il utilise, à ces fins, une bombe aérosol noire dont il se sert pour marquer d'un ou de plusieurs traits une surface blanche. Le temps de production de ses tableaux – le temps formant avec l'espace la dynamique essentielle de l'œuvre – doit alors s'évaluer à l'aune des multiples effacements et recouvrements que requiert la rapidité du jet sur la toile et les exigences du blanc, qui ne se pose plus depuis longtemps comme fond mais comme autre espace en devenir. En 1967, la recherche de cette double perspective temporelle et spatiale a amené le peintre à un tel degré d'économie picturale qu'il s'interroge sur l'utilité de continuer.

Très intéressé, depuis toujours, par la photographie, Martin Barré entame une période de recherche d'ordre conceptuel en utilisant surtout ce médium. Il est l'un des tout premiers en France à explorer cette voie, et ce, avant que le mouvement du même nom ne prenne une dimension internationale. Il ne reprend la peinture que cinq ans plus tard, en 1972. Il commence alors, et il continuera jusqu'à la fin de sa vie, à travailler par séries, c'est-à-dire que sur un groupe de tableaux donné, dont le nombre est variable, et exploite simultanément l'éventail des possibilités ouvertes à partir d'une structure – figure/fond –qu'il aura choisie au préalable. La gamme de départ est succincte : lignes, points, tirets, bandes de couleur, formes géométriques simples, articulés sur un fond blanc travaillé en couches successives. Très élaborée, sa production est peu prolifique, au rythme d'une série d'une vingtaine de tableaux tous les deux ans. Demeurant éloignée de l'agitation artistique internationale des années 1970 et 1980, la peinture de Barré continue d'explorer, dans la grande veine picturale classique, le vaste espace que nous habitons en s'adressant à la perception morcelée que l'on en a nécessairement.

La reconnaissance arrive, tardive et timide, au tournant des années 1980. En 1979, l'A.R.C. au musée d'Art moderne de la Ville de Paris organise une première rétrospective, sélective, de ses œuvres, suivie la même année par le Henie-Onstad Kunstsenret d'Oslo. En 1988, il obtient le grand prix national des Arts. D'avril 1989 à janvier 1990, une rétrospective itinérante de son œuvre est présentée au musée des Beaux-Arts de Nantes, au musée des Beaux-Arts de Tourcoing, à la galerie des Ponchettes et à la galerie d'Art contemporain à Nice. Quelques mois après l'exposition consacrée à sa production des années 1980 par la Galerie nationale du Jeu de Paume à Paris, de février à mai 1993, Martin Barré s'éteint, le 8 juillet, à l'âge de soixante-huit ans.

— Ann HINDRY

— Universalis

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Écrit par

  • : historienne de l'art, critique d'art, conservateur de la collection d'art moderne de Renault
  • Universalis : services rédactionnels de l'Encyclopædia Universalis

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Pour citer cet article

Universalis et Ann HINDRY. BARRÉ MARTIN (1924-1993) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

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