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JACOBI LOTTE (1896-1990)

Les photographies de Johanna Alexandra Jacobi, dite Lotte Jacobi, ont joué leur rôle entre les deux guerres mondiales, dans la promotion d'une photographie féminine dont on n'a pas encore mesuré toute l'importance ; citons quelques noms : Gisèle Freund, Germaine Krull, Florence Henri, Berenice Abbott, d'Ora, Margaret Bourke-White. Lotte Jacobi n'aurait-elle été que l'éblouissante portraitiste des milieux intellectuels et artistiques du « Berlin-Baal-Babylone » antérieur à la montée du nazisme, puis du New York de l'intelligentsia réfugiée, elle aurait sa place dans l'histoire de la photographie comme dans celle de l'art en général car elle a été une médiatrice amicale entre plusieurs générations de créateurs de toutes tendances.

Descendant par son père d'une ancienne famille de photographes (son arrière-grand-père aurait été initié à la photographie par Daguerre), Lotte Jacobi est née à Thorn, en Prusse. Elle réalise ses premières photographies dès l'âge de douze ans.

Après des études classiques de lettres et d'histoire de l'art à l'Académie de Posen de 1912 à 1916, où elle acquiert une érudition remarquable et une solide culture littéraire, elle fait l'expérience d'un premier mariage malheureux. Elle renoue avec la photographie à l'Académie de photographie de l'État bavarois à Munich, puis sa rencontre avec la photographe Hanna Seewald l'incite à se tourner plus précisément vers le théâtre et le cinéma. De 1927 à 1935, à la tête du studio familial à Berlin, Lotte Jacobi, très introduite dans les milieux d'avant-garde a recueilli et retenu l'intensité fiévreuse de cette époque incarnée par des personnalités comme Thomas Mann, Bertolt Brecht, Kurt Weill, Lotte Lenya, Laszlo Moholy-Nagy... et tant d'autres.

Adversaire résolue du national-socialisme, Lotte Jacobi est contrainte de s'enfuir et gagne les États-Unis en 1935. Elle ouvre un studio à New York, se remarie en 1940 avec 1'éditeur Erich Reiss et devient une célébrité qui portraiture... d'autres célébrités : Einstein, Casals, Albers, Steichen, Libermann, Chagall, Stieglitz... Ceux-ci lui fournissent la matière d'un grand nombre de portraits, de même facture, vifs et enlevés, qui rendent sensible le combat entre le réel et le mystère, entre la simplicité des apparences et l'insaisissable « profondeur » ou « opacité » d'êtres « remarquables ».

En 1955, Lotte Jacobi s'établit à Deering, dans le New Hampshire, et se consacre à d'autres objets de recherche et d'étude : ce sont notamment Photogenics (1955), les séries où 1'auteur s'est efforcé d'élaborer une nouvelle écriture, autour de matières minimales (chiffons, étoffes) aptes à rendre compte de ce que Mallarmé nommait la « lumineuse évidence ». Fidèle admiratrice de Renger-Patzsch, Steinert, Stieglitz, Caponigro, elle fonde à la même période la Jacobi Gallery, 46 West 52nd Street, à New York qu'elle installe ensuite à Deering en 1963. Éternelle étudiante, elle poursuit des études universitaires en littérature française et viendra à Paris étudier la gravure et l'eau-forte dans l'atelier de S. W. Hayter (1962-1963).

Nommée conservateur d'honneur, de 1972 à 1978, du département de photographie à la Currier Gallery of Art de Manchester (New Hampshire) qu'elle a contribué à fonder en 1970, Lotte Jacobi mit sans répit sa passion au service de la photographie.

— Elvire PEREGO

Portfolios de lotte jacobi

Portraits before 1940, 1978 ; Portraits of Albert Einstein 1927-1938, 1978 ; Dance and Theater 1979.

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Écrit par

  • : historienne de la photographie, département de la recherche bibliographique, Bibliothèque nationale de France

Classification

Pour citer cet article

Elvire PEREGO. JACOBI LOTTE (1896-1990) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

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