Abonnez-vous à Universalis pour 1 euro

LES CHANSONS DES RUES ET DES BOIS, Victor Hugo Fiche de lecture

  • Article mis en ligne le
  • Modifié le
  • Écrit par

Une composition en écho

Comme à la « Jeunesse » répond la « Sagesse », tous les éléments du recueil sont en résonance : au printemps amoureux de « Floréal » (I, livre I), fait écho la « Clôture » de « Nivôse » (IV, livre II) ; dans le livre I des amours grandes et petites, la passion fidèle et unique « Pour Jeanne seule » (III) s'oppose à l'éloge de l'inconstance dans la section suivante (« Pour d'autres », IV) ; les deux poèmes politiques des « Silhouettes du temps jadis » (V, livre I) annoncent le livre II. Ce souci de composition illustre la thèse du livre, que formule un poème central : « Le nid » (XI, VI, livre I) affirme le principe d'égalité, cher à Hugo, entre le très petit et le très grand.

Au lyrisme amoureux de la « Jeunesse » se substituent les registres didactique, philosophique et politique de « Sagesse ». Le « livre second » élève une nouvelle fois l'amour de la femme (« Ama, crede », I) à l'échelle cosmique de la nature (« L'église », II, I) ; panthéiste, le poète chante la splendeur des petits et des humbles (« Oiseaux et enfants », II) ; il décline le slogan républicain, naturaliste et socialiste (« Liberté, égalité, fraternité », III) ; il prône une société égalitaire, dont le peuple libre et souverain (« Le vrai dans le vin », II, III) vit en paix ; il blâme les guerres (« Souvenirdes vieilles guerres », IV, III). La dernière section se referme sur l'entrée dans l'hiver (« Nivôse », IV), tout en espérant dans le printemps du progrès ; elle métaphorise la situation personnelle du poète pour mieux la transcender en principe d'égalité et de justice universelles.

Ces principes se retrouvent autant dans le mélange des thèmes (amours, jeunesse, sagesse, vieillesse, nature, société) que dans celui des temps et des civilisations (Antiquité, Grand Siècle, vie quotidienne du xixe siècle), ou des registres de langue (latine, populaire, etc.). La prosodie du poète romantique renforce cette unité absolue par le recours systématique au quatrain rimé et au vers bref, le prophète épique voulant également montrer sa maitrise des petits mètres.

Recueil multiple et un, Les Chansons des rues et des bois forment un immense puzzle dont la cohérence et le sens se construisent et se révèlent peu à peu. Si le livre a été mal reçu, il n’en illustre pas moins la virtuosité métrique, l'amplitude de l'inspiration du « poète total », qui sait allier le lyrisme, la nature, l'amour et la légèreté, à la gravité alerte d'une réflexion politique et métaphysique qui conduit à un idéal républicain d'égalité, de justice et de paix entre les hommes.

— Yves LECLAIR

La suite de cet article est accessible aux abonnés

  • Des contenus variés, complets et fiables
  • Accessible sur tous les écrans
  • Pas de publicité

Découvrez nos offres

Déjà abonné ? Se connecter

Écrit par

  • : professeur agrégé, docteur en littérature française, écrivain

Classification

Pour citer cet article

Yves LECLAIR. LES CHANSONS DES RUES ET DES BOIS, Victor Hugo - Fiche de lecture [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Article mis en ligne le et modifié le 23/05/2022

Autres références

  • HUGO VICTOR (1802-1885)

    • Écrit par , , , et
    • 13 568 mots
    • 5 médias

    Roman, critique, voyages, histoire dialoguent dans l'œuvre de Victor Hugo avec le lyrisme, l'épopée, le théâtre en un ensemble dont le « poète » a souvent proposé des articulations historiques, géographiques ou idéologiques plutôt qu'une périodisation. En règle générale, l'œuvre en prose a pour...