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LES BONNES, Jean Genet Fiche de lecture

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Un détournement des conventions théâtrales

On perçoit ici un détournement des conventions du théâtre, en particulier à travers le déplacement des contraintes génériques. La première version du texte de Genet s'intitulait La Tragédie des confidentes, ce qui souligne assez sa volonté de démanteler le fonctionnement et le pacte tragiques, en confiant la parole à celles que les règles réduisent à écouter parler les grands. Mais c'est surtout parce qu'elles sont astreintes à un protocole, qu'elles ont accès aux garde-robes, qu'elles ordonnent en secret le ballet des choses domestiques, que Genet investit par ses mots la voix des bonnes. Et l'organisation du simulacre tel qu'il le conçoit dépasse alors la réflexion sur les pouvoirs d'illusion du théâtre, et démultiplie la puissance de rayonnement des éléments constitutifs de la représentation. Ainsi, gestes, costumes, accessoires et texte sont comme soustraits à la fiction et à la mimesis qui les ont fait naître, pour devenir les éléments d'une cérémonie symboliquement tendue vers le passage d'une frontière dressée entre la vie et la mort et que la scène, comme dans Le Balcon (1956), comme dans Les Paravents (1961), rend perméable.

C'est Louis Jouvet qui créa la pièce en 1947 au théâtre de l'Athénée, après avoir opéré un certain nombre de modifications sur le texte original. Tania Balachova montera à son tour Les Bonnes au théâtre de la Huchette en 1954, avant que le Living Theatre (Berlin, 1965) n'y trouve un écho évident à son esthétique rituelle, où le corps de l'acteur, dans la lignée de la démarche artaldienne, constitue le foyer de la représentation. Parmi les réalisations les plus récentes, on peut retenir celle de Philippe Adrien au Vieux Colombier en 1995, replaçant avec astuce le motif de l'intrigue policière au centre de la structure dramatique.

— David LESCOT

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Écrit par

  • : écrivain, metteur en scène, maître de conférences à l'université de Paris-X-Nanterre

Classification

Pour citer cet article

David LESCOT. LES BONNES, Jean Genet - Fiche de lecture [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Article mis en ligne le et modifié le 14/03/2009

Médias

Jean Genet - crédits : Hulton-Deutsch Collection/ Corbis Historical/ Getty Images

Jean Genet

<em>Les Bonnes </em>de J. Genet, mise en scène de Luc Bondy - crédits : Lieberenz/ ullstein bild/ Getty Images

Les Bonnes de J. Genet, mise en scène de Luc Bondy

Autres références

  • LITTÉRATURE FRANÇAISE DU XXe SIÈCLE

    • Écrit par
    • 7 278 mots
    • 13 médias
    ...au tournant des années 1940-1950 : en sourdine chez Jean Genet (1910-1986) qui radicalise par la suite dans des préfaces introductives à ses pièces, Les Bonnes (1947) ou Le Balcon (1956), ses thèses hostiles au théâtre à l’italienne, et son idée d’une sublimation spectaculaire du néant et...