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JOUHAUX LÉON (1879-1954)

Né à Aubervilliers, d'un père ancien communard, employé dans une manufacture de tabac, Léon Jouhaux, après avoir obtenu son certificat d'études et préparé l'École des arts et métiers, est embauché d'abord dans une serrurerie ; puis il rejoint son père à la manufacture. Il a alors seize ans et fréquente les groupes anarchistes. En 1901, il est condamné à trois mois de prison avec l'anarchiste Libertad pour avoir crié « À bas l'armée » lors d'une manifestation. Licencié, il exerce divers métiers et effectue son service militaire en Algérie. Délégué en 1906 au comité fédéral des bourses du travail, il est en 1908 au secrétariat de la Confédération générale du travail. Griffuelhes, contraint de démissionner de son poste de secrétaire général, pousse Jouhaux à sa place. Face au choix d'août 1914, rester dans l'opposition systématique à la guerre ou participer, il opte pour la collaboration et certains de ses camarades lui reprochent de s'y trouver très à l'aise. Il pense que « l'organisation syndicale doit être présente partout où se discutent les intérêts moraux et matériels de la classe ouvrière ». Il a choisi sa voie et s'y tiendra jusqu'à sa mort. Sa rupture avec la tradition du syndicalisme révolutionnaire est brutale ; il n'en maintient que la volonté d'autonomie du syndicat face à tout parti politique.

En 1921, après l'échec des grandes grèves qu'il n'avait pas voulues et après la scission du Parti socialiste, Jouhaux oblige son aile gauche de plus en plus puissante (les comités syndicalistes révolutionnaires) à faire scission. Le mouvement syndical se brise, mais les réformistes gardent l'appareil de la C.G.T. Cependant, Jouhaux doit se battre sur deux fronts : si, sur sa gauche, les révolutionnaires fondent la C.G.T. unitaire (C.G.T.U.), sur sa droite s'est créée la Confédération française des travailleurs chrétiens, qui affirme ainsi l'existence d'un syndicalisme chrétien de masse que la C.G.T. a toujours nié. Entre la collaboration de classe que préconise la C.F.T.C. et l'idéologie de la C.G.T.U., Jouhaux affirme sa foi dans les solutions internationales. Il siège au Bureau international du travail et souhaite que l'on passe de ce contrôle international à un contrôle national, mais ne peut imposer la création du conseil économique qu'il préconise à cet effet. Jouhaux garde à cette « politique de la présence » son caractère révolutionnaire : l'apparition de structures nouvelles, à son avis, doit faire « craquer les vieux cadres » du système ; il décrit la révolution comme « le long processus d'évolution qui peu à peu pénètre le système et qui, dans le sein du régime, constitue l'organisme nouveau ».

Front populaire, 1936 - crédits : The Image Bank

Front populaire, 1936

La dynamique unitaire, qui crée le Front populaire et entraîne la réunification de la C.G.T. et de la C.G.T.U., n'effraie pas Jouhaux, qui se voit confirmé à son poste de secrétaire général par les deux tiers des mandats. Pourtant, c'est la minorité, de tendance communiste, qui bénéficie presque seule des grandes grèves de juin 1936. Face à cette poussée, Jouhaux laisse se créer, autour de l'hebdomadaire Syndicats, un centre de résistance à « la colonisation communiste ». Il n'approuve pas l'attitude de non-intervention en Espagne. Après la signature du pacte germano-soviétique, il se rallie à la tendance « Syndicats » et exclut les communistes de la C.G.T.

Malgré des tentatives d'ouverture vis-à-vis de Vichy et l'entrée de certains de ses proches collaborateurs dans le gouvernement de Laval, Jouhaux ne peut empêcher la dissolution de la C.G.T. en novembre 1940. Il opte pour la résistance au corporatisme de Vichy, affirme sa fidélité au syndicalisme traditionnel et opère un rapprochement avec les syndicalistes chrétiens.[...]

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Pour citer cet article

Paul CLAUDEL. JOUHAUX LÉON (1879-1954) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Média

Front populaire, 1936 - crédits : The Image Bank

Front populaire, 1936

Autres références

  • CGT (Confédération générale du travail)

    • Écrit par Jean BRUHAT, Universalis, René MOURIAUX
    • 4 429 mots
    • 1 média
    ...avant tout sur l'amélioration de la législation sociale et la conclusion de conventions collectives de travail. C'est sous l'impulsion de la C.G.T., dont Léon Jouhaux est le secrétaire général depuis 1909, que se développent les grèves revendicatives et aussi de grandes campagnes contre la vie chère, en...

Voir aussi