LE MEILLEUR DES MONDES, Aldous Huxley Fiche de lecture

Le Meilleur des mondes est un roman d'anticipation de l'écrivain anglais Aldous Huxley (1894-1963) publié à Londres en 1932. Son titre original, Brave New World (littéralement, « merveilleux nouveau monde ») reprend sur un mode ironique les mots prononcés par Miranda dans La Tempête (1623, acte V) de Shakespeare. Le premier traducteur français, Jules Castier, en trouva un équivalent dans la fameuse formule du Candide de Voltaire : le « meilleur des mondes possibles ». Le Meilleur des mondes, l'un des romans les plus célèbres et des plus lus de la littérature mondiale, doit sans doute ce succès à ses qualités propres, mais également au fait qu'il a pratiquement donné naissance à un genre à part entière, la dystopie – c’est-à-dire la description d'une société imaginaire, généralement future, totalitaire et déshumanisée –, qui connaîtra une riche prospérité (1984 de George Orwell, Farenheit 451 deRay Bradbury, La Servante écarlate de Margaret Atwood, entre autres). En 1959, Huxley, dans un essai intitulé Retour au meilleur des mondes (Brave New World Revisited), s'efforcera de montrer que ce qu'il avait imaginé dans son roman était bel et bien en train de se réaliser.

« Communauté, Identité, Stabilité »

Vers 2500 – ou plutôt au vie siècle de l'ère Ford, qui a remplacé l'ère chrétienne –, l'État mondial est gouverné par des Administrateurs, sous la tutelle d'un Conseil suprême.

À Londres, Henry Foster fait visiter à des étudiants le Centre d'incubation et de conditionnement qu'il dirige. C'est là que les êtres humains sont désormais conçus artificiellement, selon une hiérarchie précise : au sommet, l'« élite » des Alphas et Bêtas ; au bas de l'échelle, les Gammas, Deltas et Epsilons, largement majoritaires, dévolus aux tâches subalternes. Après leur « naissance », les enfants sont conditionnés afin qu'une fois adultes ils se satisfassent de leur sort et se conforment à l’ordre social : toute originalité est bannie, toute attitude ou pensée individuelle suspecte, même si les Alphas bénéficient d'une plus grande latitude, justifiée par leur fonction de dirigeants. Dans cette société dont la devise est « Communauté, Identité, Stabilité », les hommes sont censés avoir été purgés de leurs passions. Ainsi, la sexualité, totalement libre, a-t-elle été en grande partie débarrassée de sa dimension sentimentale, tout comme, d’ailleurs, de sa fonction reproductrice par des moyens contraceptifs. D'une façon générale, le bien-être – le bonheur ? – est facilité à tous les échelons sous la forme de divertissements variés, y compris la consommation de « soma », une drogue apaisante.

Découvrez l'intégralité de nos articles sans publicité

Au cours de sa visite, Foster croise la jeune et belle Lenina Crowne, une Bêta avec laquelle il entretient une liaison depuis plusieurs mois. Celle-ci est également attirée par le psychologue Bernard Marx, un Alpha Plus, mais doté d’un physique disgracieux à la suite d'une erreur de manipulation génétique et mal adapté à l’environnement social. Bien que surprise et gênée devant l’individualisme critique de Marx, elle accepte de l’accompagner au Nouveau-Mexique pour visiter une réserve dont les habitants – des Indiens en majorité – continuent de vivre selon les normes anciennes, qu’elles soient religieuses ou sexuelles. Avant le départ, Marx rend visite à son ami Helmholtz Watson, ingénieur en émotion, un Alpha Plus lui aussi insatisfait du monde qui l'entoure.

Bernard et Lenina, devenus amants, entreprennent comme prévu leur voyage. Mais l’attitude non conformiste de Bernard a attiré sur lui les soupçons. Il apprend que Foster s'est résolu à l’exiler en Islande. Lors de leur visite de la réserve, ils rencontrent deux Blancs, John et Linda. Cette dernière est venue là en touriste des années plus tôt en compagnie de Foster ; elle s’est perdue et son compagnon est reparti sans elle. Or, elle était enceinte sans le savoir, et John est leur fils. Linda et John ont survécu tant bien que mal dans ce monde primitif auquel ils n’étaient pas adaptés. Bernard voit aussitôt là un moyen de se venger de Foster et de rentrer en grâce. Il obtient de l’Administrateur mondial Mustapha Menier l’autorisation de ramener avec lui la mère et son fils.

De retour à Londres, Marx est publiquement mis en accusation par Foster. Il présente alors Linda et John : la première se précipite dans les bras du directeur en criant son prénom tandis que le second se jette à ses pieds en l’appelant « mon père ». Déshonoré et ridiculisé, Foster s’enfuit sous les rires de l’assistance.

Découvrez l'intégralité de nos articles sans publicité

Désormais, tandis que Linda s’abîme dans la soma, la foule se presse pour voir John le Sauvage. Celui-ci est tombé amoureux de Lenina, mais leur relation est faite d’incompréhension : chez John, la conception traditionnelle de l’amour et de la famille s’accommode mal de la liberté de mœurs de Lenina. Déçu par le « monde civilisé », il finit par repousser la jeune femme et refuse dorénavant d’être exhibé. Il fait la connaissance d’Helmholtz Watson, que la divulgation de ses écrits critiques a rendu suspect aux yeux des autorités. Les deux hommes sympathisent. Peu après, John se rend au chevet de sa mère mourante qui, sous l’effet de la drogue, ne le reconnaît pas. En sortant, il tombe sur une distribution de soma au personnel de l’hôpital. Révolté, il jette les pilules par la fenêtre, à la grande colère de la foule qui s’apprête à le lyncher lorsque Watson et Marx surviennent et le protègent jusqu’à l’arrivée de la police. Tous trois sont arrêtés et convoqués devant Mustapha Menier, qui cherche à les convaincre des avantages du « meilleur des mondes ». Au terme de son plaidoyer, Watson et Marx sont emmenés pour être exilés sur une île, où ils rejoindront d'autres réfractaires. Quant au Sauvage, il se retire dans la campagne anglaise, où tel un ermite il se mortifie en se flagellant afin d'oublier son désir pour Lenina et de purifier son âme. Son comportement étrange attire de nombreux curieux, parmi lesquels Lenina elle-même. Lorsqu'il la voit, John, dans un état second, se précipite sur elle, sous les hurlements d'une foule surexcitée. Le lendemain matin, à son réveil, il se souvient de tout, et se pend.

Accédez à l'intégralité de nos articles

  • Des contenus variés, complets et fiables
  • Accessible sur tous les écrans
  • Pas de publicité

Découvrir

Déjà abonné ? Se connecter

Écrit par

Classification

Autres références

  • CLONAGE, science-fiction

    • Écrit par
    • 790 mots

    La science-fiction n'a pas attendu Dolly pour parler du clonage et s'en inquiéter. Dès 1932, Aldous Huxley montre dans Le Meilleur des mondes combien la fabrication en série des individus (appelée ici Projet Bokanovsky) est tentante pour un régime totalitaire évidemment soucieux de « stabilité...

  • CLONE ET CLONAGE, notion de

    • Écrit par
    • 1 272 mots
    ...l'Antiquité. À cette époque, on peut également citer le Golem de la Kabbale juive, décrit par le rabbin Loeb de Prague. Plus près de nous, imaginé en 1932 par Aldous Huxley dans Le Meilleur des mondes, le procédé Bokanovsky, qui permet à un œuf fécondé in vitro de bourgeonner pour engendrer de huit à quatre-vingt-seize...
  • HUXLEY ALDOUS (1894-1963)

    • Écrit par
    • 1 088 mots
    • 1 média

    L'abondance de l'œuvre — poèmes, essais et romans —, la force de la personnalité et l'originalité de l'itinéraire intellectuel assurent une place de choix à Aldous Huxley dans le panthéon des écrivains britanniques. Il a été l'un des plus brillants intellectuels de sa génération en Angleterre. Son...

  • UTOPIE

    • Écrit par , et
    • 12 042 mots
    • 2 médias
    ...implique l'arrêt définitif du temps historique ; malgré la terminologie, c'est bien le règne de l'espace pur, libre de toute contamination temporelle. Dans Le Meilleur des mondes, Huxley formule une suggestion remarquable. Pour assurer la stabilité des institutions des hommes – en somme pour les soustraire...

Voir aussi