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LE CHÂTEAU, Franz Kafka Fiche de lecture

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Du « Procès » au « Château »

Cette situation d’impasse se trouve déjà dans Le Procès (1914-1915) dont le protagoniste principal, Josef K., porte le même nom que l’arpenteur, comme si le héros ou plutôt l’antihéros kafkaïen était condamné à subir des épreuves dont certaines sont fatales. La différence entre les deux récits, c’est que l’on ne peut ici accuser K. d’aucune faute. Il semble plutôt être la victime d’une prolifération hiérarchique de fonctionnaires, d’une bureaucratie qui impose partout l'incohérence et l'absurdité de ses lois. Lors d’une entrevue avec le maire, K. apprend d’ailleurs que sa venue au village est certainement due à une méprise de la bureaucratie. C’est l’une des nombreuses interprétations possibles de ce texte qui offre un terrain de choix aux commentateurs et exégètes : la critique de la bureaucratie et du totalitarisme. Critique accréditée par l’attitude même des gouvernements de l'Europe de l'Est qui n’ont levé que très tardivement l'interdit jeté sur l'œuvre de l’écrivain, déjà prohibée sous le nazisme. Si ce récit peut être interprété comme une prémonition des régimes autoritaires, il n’y a qu’un pas pour y retrouver aussi, sous une forme allégorique, une critique de l’autorité paternelle, qui court comme un fil rouge à travers toute l’œuvre de Kafka, trouvant sa justification dans la Lettre au père (1919), réquisitoire considéré comme la clef de sa personnalité et de ses écrits.

Des clefs, on en a forgé beaucoup pour décrypter une œuvre qui semble annoncer tous les maux de notre société, si ce n’est de notre civilisation. « Une bonne part de la puissance de l’effet produit par ce texte typique de Kafka vient de l’intensité avec laquelle il appelle l’interprétation et nous en frustre en même temps », rappelle judicieusement le comparatiste américain Charles Bernheimer à propos du Château. Une pirouette permet de replacer l’intérêt au cœur de l’œuvre, de la lecture et de ses énigmes : en allemand, le mot servant de titre au roman, DasSchloss, signifie également « la serrure ».

Le Château a été porté plusieurs fois à l’écran (Rudolf Noelte, Michael Haneke) ; il a aussi fait l’objet d’adaptations pour le théâtre (Pol Quentin avec Jean-Louis Barrault) et l’opéra (Michèle Reverdy, Karol Beffa).

— Pierre DESHUSSES

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Pierre DESHUSSES. LE CHÂTEAU, Franz Kafka - Fiche de lecture [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Article mis en ligne le et modifié le 17/09/2021

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Franz Kafka - crédits : Imagno/ Hulton Archive/ Getty Images

Franz Kafka

Autres références

  • KAFKA FRANZ (1883-1924)

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    • 1 média
    ...son dernier roman, Kafka tentera de fondre ses deux conceptions contradictoires de l'art en une seule image, et ce sera l'arpentage de K., le héros du Château, qui choisit un art utile, simple, géométrique, et en même temps inspiré puisqu'il dépend des « messages » d'en haut. Contrairement aux autres...