Abonnez-vous à Universalis pour 1 euro

LAYLI ET MADJNŪN, Nizami de Gandje Fiche de lecture

Laylī et Madjnūnest le troisième des cinq poèmes du poète persan Nizāmī (1141 env.-env. 1209) dont l'ensemble, réuni postérieurement à la mort de l'auteur, est connu sous le nom de Pandj gandj (Les Cinq Trésors) ou Khamsé (« cinq »). Il s'agit d'un masnavi, forme poétique d'origine probablement persane dans laquelle la rime change à chaque distique, les deux vers du distique rimant entre eux et non avec les suivants. Quatre de ces poèmes, dont Laylī et Madjnūn, sont des romans ; et c'est bien l'originalité de Nizāmī que d'avoir fait évoluer la tradition épique héritée de Firdousi (940 env.-1020 env.) en privilégiant l'élément romantique et l'analyse psychologique. Déjà amorcé avec Khosrow et Shīrīne, ce mouvement, qui répond aux goûts d'une bourgeoisie urbaine émergeante et se réalise à travers le recours au langage vivant de l'époque, s'avère plus complètement abouti dans Laylī et Madjnūn, où le poète abandonne la veine héroïque pour s'intéresser au destin et au drame individuels. Né à Gandje, au Caucase, Nizāmī n'est pas issu du milieu d'origine de la tradition littéraire persane, le Khorāsān, à l'est de l'Iran. Mais il sut faire fusionner cette tradition avec celle de la brillante école de poésie lyrique persane d'Azerbaïdjan que favorisèrent les Shirvān-Shāhs, bien que le persan ne fût pas la langue de la région.

Un amour qui ne se réalise que dans la mort

L'histoire tient son origine du folklore arabe. Au viie siècle, une tradition de poèmes, constituée d'éléments disparates et rédigée par un ou plusieurs auteurs, est mise au nom de Madjnūn ; elle conte l'amour malheureux de Laylā (Laylī en persan) et du poète bédouin Qays al-‘Āmirī (surnommé Madjnūn, « le possédé », « le fou »). Sorte d'archétype amoureux, ce dernier est déjà souvent cité dans les ouvrages persans lorsque, en 1188, à la demande du Shirvān-Shāh Akhsitān b. Manutchehr, Nizāmī compose, en quatre mois, les 4 700 distiques de Laylī et Madjnūn. Il dit dans son introduction avoir douté de trouver là matière à un récit cohérent et à susciter l'intérêt de la cour. Pourtant il réunit et adapta ces éléments, urbanisant le contexte et doublant l'amour des protagonistes de celui de Zeyd et Zeynab. L'obstacle à l'amour ne réside pas ici seulement dans l'opposition des familles, mais dans la transgression de l'ordre social que constitue l'excès de cet amour, trop tôt et trop publiquement divulgué.

Laylī et Madjnūn tombent amoureux l'un de l'autre à l'école. La jeune fille est bientôt éloignée par ses parents car les poèmes partout chantés par Madjnūn compromettent sa réputation et celle de sa tribu. Madjnūn s'étant vu refuser la main de Laylī, son père l'emmène en pèlerinage à La Mecque. Mais le jeune homme rejette toute idée de guérison, puisque c'est l'amour même qui le fait vivre.

Madjnūn s'enfuit dans le désert, où il compose des poèmes qui continuent de circuler. Son ami Nowfal porte la guerre contre la tribu de Laylī et la vainc, inutilement : le père de Laylī préférerait voir sa fille morte plutôt qu'unie à un homme que l'on dit fou. Madjnūn vit dans la compagnie d'animaux qu'il sauve du chasseur. Laylī est mariée à Ebn-e Salām. Bientôt, le désespoir de Madjnūn est aggravé par la mort de son père. Il mène une vie d'ermite et règne sur les animaux sauvages. Laylī lui écrit sa fidélité et sa détresse. La mère de Madjnūn meurt à son tour et Laylī fait venir le jeune homme : elle renonce à le voir mais entend ses poèmes. Deux ans après la mort d'Ebn-e Salām – le temps du veuvage –, les amants se rencontrent. Mais l'amour de Madjnūn transcende les lois terrestres : « Ici il n'y a ni toi ni moi, dans notre foi il n'y a pas de dualité ;/ Tous[...]

La suite de cet article est accessible aux abonnés

  • Des contenus variés, complets et fiables
  • Accessible sur tous les écrans
  • Pas de publicité

Découvrez nos offres

Déjà abonné ? Se connecter

Écrit par

  • : chercheur, membre de l'U.M.R. Monde iranien du C.N.R.S., Paris

Classification

Pour citer cet article

Marina GAILLARD. LAYLI ET MADJNŪN, Nizami de Gandje - Fiche de lecture [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • FOUZOÛLÎ (1495 env.-env. 1556)

    • Écrit par Louis BAZIN
    • 1 291 mots
    ...de très nombreux manuscrits (ottomans pour la plupart), que Fouzoûlî est justement fameux. Parmi une dizaine de titres célèbres, on retiendra son recueil de poèmes lyriques (Dīwān turc) et son vaste roman en vers, sommet de la poésie classique turque, Leylâ et Medjnoûn (Leylā wü-Medjnūn).
  • MADJNŪN (VIIe-VIIIe s.)

    • Écrit par Sayed Attia ABUL NAGA
    • 416 mots

    Personnage semi-légendaire, surnommé le Madjnūn parce qu'il devient « fou » d'amour, Qays b. Mulawwaḥ appartient à la tribu de Banū ‘Amīr. Il est le type du poète ‘uḏrî qui meurt à cause de son amour malheureux, d'où sa célébrité dans le monde islamique. Son histoire est simple : il aime une...

  • NIẒĀMĪ ou NEZAMÉ DE GANDJE (1140 env.-env. 1202)

    • Écrit par Mohammad Hassan REZVANIAN
    • 1 008 mots
    ... siècle. Une analyse très fine des sentiments distingue ce roman des autres ouvrages de Niẓāmī et lui confère une valeur exceptionnelle. Layli et Madjnūn, que l'on peut considérer, quant au fond, comme le Roméo et Juliette de la littérature persane, est dépourvu de tout élément héroïque ;...

Voir aussi