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MADJNŪN (VIIe-VIIIe s.)

Personnage semi-légendaire, surnommé le Madjnūn parce qu'il devient « fou » d'amour, Qays b. Mulawwaḥ appartient à la tribu de Banū ‘Amīr. Il est le type du poète ‘uḏrî qui meurt à cause de son amour malheureux, d'où sa célébrité dans le monde islamique. Son histoire est simple : il aime une femme de sa tribu, Laylā, et en est aimé. Il lui consacre plusieurs poèmes et demande sa main. Mais le père de Laylā le refuse comme gendre car la tradition bédouine interdit le mariage entre une jeune fille et tout homme qui lui a déclaré son amour. Le père de Laylā la marie, malgré elle, à Ward b. Muḥammad al-‘Uqaylī. Expulsé par sa tribu, le poète passe sa vie à errer dans le désert de Nejd et à chanter son amour désespéré. Il fuit la société des hommes. Les animaux féroces l'aiment et lui tiennent compagnie. Inconsolable, il cesse de manger et de boire, devient squelettique et à moitié fou. Devenue veuve, Laylā le rejoint, mais elle meurt peu de temps après, et Madjnūn ne tarde pas à la suivre. Ainsi, seule la mort unira ces Tristan et Iseult du désert que des préjugés tribaux cruels ont séparés.

Une partie des poèmes de Madjnūn que nous possédons sont apocryphes. Mais le reste de son Dīwān nous émeut par sa sincérité, sa tristesse poignante, son langage tendre et passionné.

La légende de Madjnūn et de Laylā a exercé une grande influence sur la littérature arabe et musulmane. Le poète persan Abū Muḥammad Ilyās Nizāmī de Gandja en donna au xiie siècle une version admirable (Laylā u Majnūn). Si ce thème a une couleur surtout sentimentale chez Nizāmī, il revêt un caractère mystique chez le poète persan Djāmī de Hérat (1414-1492). Pour Djāmī, Madjnūn est le modèle de l'âme qui, par son renoncement aux joies du monde et par sa mortification, parvient au ravissement mystique, à l'extase, à l'union avec Dieu. Cette légende a également inspiré les poètes d'expression persane Amir Khisraw de Delhi et Ḥalfī, ainsi que les poètes turcs Ḥamdi et Fuzuli. Au xixe siècle, le Syrien Abū Khalīl al-Qabbānī lui consacre une pièce de théâtre. Au xxe siècle, le poète égyptien Aḥmad Shawqī évoque, dans un drame en vers, les souffrances de Laylā et de Madjnūn. On peut dire que, de siècle en siècle, la légende de Madjnūn et de Laylā n'a cessé d'enchanter et d'émouvoir les hommes.

— Sayed Attia ABUL NAGA

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Écrit par

  • : docteur ès lettres (Sorbonne), agrégé de l'Université, interprète à l'O.N.U., Genève

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Pour citer cet article

Sayed Attia ABUL NAGA. MADJNŪN (VIIe-VIIIe s.) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

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