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LA GRANDE BOUFFE, film de Marco Ferreri

La Grande Bouffe fit scandale à l'occasion de sa présentation au festival de Cannes en mai 1973, puis lors de sa sortie en salles. Les publicitaires avaient malicieusement orchestré une campagne destinée à provoquer les esprits sensibles à partir d'une affiche de Reiser et de diverses rumeurs scabreuses issues du tournage. Marco Ferreri (1928-1997) n'était pourtant pas un inconnu et ses sujets précédents avaient souvent paru audacieux : une mante religieuse qui épuise son mari dans Le Lit conjugal (L'ape Regina, 1963), un mari qui exploite la pilosité excessive de son épouse dans Le Mari de la femme à barbe (La donna scimmia, 1964), un dessinateur industriel qui assassine sa femme et s'engage comme cuisinier sur un bateau qui part vers Tahiti (Dillinger est mort, 1969), mais la réunion de quatre stars masculines du cinéma franco-italien de l'époque et, plus encore, le thème de la débauche lui ont offert le plus grand triomphe commercial de sa carrière (plus de 700 000 entrées à Paris et près de 3 millions sur l'ensemble de la France).

Il n'est cependant pas certain que le public ait bien déchiffré le message de cette parabole plutôt cynique et pessimiste. L'année suivante, le cinéaste poussera la provocation un peu plus loin en filmant l'épopée du général Custer dans le trou des halles à Paris (Touche pas la femme blanche, avec Mastroianni en George Custer) ; mais, cette fois-ci, le public ne suivra pas.

Suicide collectif

À Paris, un grand cuisinier italien, Ugo, propriétaire d'un restaurant, aiguise ses couteaux et prépare sa valise pour partir en séminaire gastronomique. Un présentateur de télévision, Michel, prévient sa collaboratrice et sa fille qu'il va s'absenter quelques jours ; un juge, Philippe, est réveillé par sa nounou et lui annonce son départ ; elle tente en vain de le retenir en le caressant. Enfin, un pilote de ligne italien qui vient d'atterrir à Paris, Marcello, rejoint les trois personnages précédents. Ils arrivent dans une grande villa de style rococo, située dans le xvie arrondissement, ancienne propriété du père du juge, gardée par un vieillard en béret. Des dindons et des oies gloussent dans le parc. Les quatre compères vont s'installer dans la villa et commencer à manger tous les plats que prépare Ugo, en commençant par un boudin. Des fournisseurs livrent des quantités impressionnantes de viandes et de légumes, du gibier et des têtes de veau, notamment. Michel s'amuse avec l'une d'elles en dansant dans le jardin.

À la demande pressante de Marcello qui ne se contente pas de ripailles, ils font venir trois jeunes prostituées qui seront vite écœurées par la débauche alimentaire et repartent le lendemain après avoir vomi toute la nuit. Une voisine institutrice aux formes opulentes, Andréa, vient les rejoindre et va les accompagner jusqu'à leurs derniers instants. Ils vont mourir les uns après les autres, de manière plus ou moins élégante, ce qui est un euphémisme pour Michel, victime de violentes crises d'aérophagie. Le dernier à mourir est Philippe, en absorbant à la cuillère un entremets rose en forme de sein que lui a préparé maternellement Andréa. À l'épilogue, des chiens se disputent les quartiers de viande que des livreurs viennent d'apporter.

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Écrit par

  • : professeur à l'université de Paris-III-Sorbonne nouvelle

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Pour citer cet article

Michel MARIE. LA GRANDE BOUFFE, film de Marco Ferreri [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

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