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HAMSUN KNUT (1859-1952)

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Le héros hamsunien

Dès lors, Hamsun va s'appliquer à réaliser son propre programme. Pour y parvenir, il crée, à l'imitation de l'être famélique qui hantait son premier livre, un curieux héros qui ressemble à son auteur. C'est le plus souvent une sorte de vagabond amoureux de la nature, compliqué, énigmatique aux autres comme à lui-même, un tant soit peu étranger à l'existence, sans foyer, sans asile sûr au sein de la société, pétri de contradictions, tantôt adorant, tantôt méprisant, ici débordant de tendresse et de douceur, là violent, arrogant, cruel, peuplant sa solitude d'aventures fantasques dont il est difficile de distinguer la part véridique de l'imaginaire, de rêveries érotiques indissociables d'un culte presque panthéiste de la nature, songe-creux hanté de la nostalgie des grands espaces vierges du Nord, partagé entre rêve et réalité au point qu'il est malaisé de fixer une ligne de démarcation. C'est le Johan Nagel de Mystères (Mysterier, 1892), le Thomas Glahn de Pan (1894) où le lyrisme prend d'étranges colorations naturistes et plus tard August (1930) tous inadaptés, réfugiés dans un fictif contagieux pour l'entourage, tous débordants d'un trésor de poésie saugrenue qui attire et séduit. Le style épouse les méandres de la psychologie du personnage, il est alternativement satirique, épique, raffiné, sec, vertueux, sans qu'il soit possible de le définir, le tout sur un fond de poésie d'une étonnante fraîcheur. Hamsun dénonce par son héros tous ceux qui prétendent échapper à cette loi essentielle de l'inconstance : les journalistes plus intéressés par l'écorce des choses que par leur pulpe (Redaktör Lynge, 1893), les jeunes artistes qui érigent en système leur fondamentale instabilité. Mais Victoria (1898), sur le motif banal de l'impossible amour entre fils de pauvre et fille de riche, constitue un hymne vibrant à la nature et surtout à l'amour : « origine du monde et maître du monde, mais toutes ses voies sont emplies de fleurs et de sang, fleurs et sang ».

Il y avait trop d'exceptionnel dans cette image que Hamsun avait de l'homme pour qu'il ne se laissât point fasciner par Nietzsche après l'avoir été par Strindberg. La trilogie satirique Aux portes du royaume, Le Jeu de la vie, Les Feux du couchant (Ved Rikets Port, Livets spil, Aftenröde, 1895-1897) est plus ou moins hantée par l'Übermensch et c'est à lui, autant qu'à Peer Gynt que fait penser Munken Vendt, 1902, poème dramatique dans le goût romantique qui est, avec La Reine Tamara (Dronning Tamara, 1903) un des rares essais théâtraux de Hamsun.

Vers 1895, pour apaiser une crise d'inquiétude et de dégoût de la société, il voyage en Russie et en Turquie, laissant d'intéressantes et capricieuses relations de ses pérégrinations (Au pays des aventures [I Aeventyr land], 1903). Cette crise se traduit par un recueil de vers, le seul qu'il ait publié : Le Chœur sauvage (Det vilde Kor, 1904), ouvrage très inégal qui fait penser, à ses meilleurs moments, à Gustav Fröding, et qui exercera une influence considérable en Norvège. De même, si Rêveurs (Svaermere, 1904) rappelle un peu Pan, l'orientation est nette vers ce qui sera désormais le thème capital de l'œuvre de Hamsun, l'opposition entre la vie au sein de la nature et la prétendue « civilisation ». La nouvelle trilogie Sous l'étoile d'automne (Under Høststjœrnen, 1906), Un vagabond joue en sourdine (En Vandrer spiller med Sordin, 1909) et La Dernière Joie (Den sidste Glaede, 1912), dont le personnage principal porte le nom de l'auteur, Knut Pedersen, dit en effet la fatigue de la vie urbaine, la nostalgie de l'enfance et de la jeunesse, et le refus du monde moderne ; le « nouvel esprit de la Norvège » tourisme, féminisme, journalisme, sport[...]

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Écrit par

  • : professeur émérite (langues, littératures et civilisation scandinaves) à l'université de Paris-IV-Sorbonne

Classification

Pour citer cet article

Régis BOYER. HAMSUN KNUT (1859-1952) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Article mis en ligne le et modifié le 14/03/2009

Média

Knut Hamsun - crédits : ullstein bild/ Getty Images

Knut Hamsun

Autres références

  • NORVÈGE

    • Écrit par , , , , et
    • 24 666 mots
    • 24 médias
    ...(1870-1924) ou des romanciers régionalistes comme Peter Egge (1859-1959 ; HansineSolstad, 1925), Johan Bojer (1872-1959 ; Den Siste Viking, 1921, Le Dernier Viking) et Gabriel Scott (1874-1958 ; Kilden, 1918, La Source), cette tendance est dominée parKnut Hamsun (1859-1952) et Hans E. Kinck (1865-1926).
  • PAN, Knut Hamsun - Fiche de lecture

    • Écrit par
    • 687 mots

    Pan, l'un des romans les plus connus de l'écrivain norvégien Knut Hamsun (1858-1952), Prix Nobel en 1920, met en scène un personnage que l'on retrouve souvent dans son œuvre, celui du vagabond en rupture avec l'époque moderne, et qui sait faire preuve, inlassablement, de fantaisie et de...