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KILLERS OF THE FLOWER MOON (M. Scorsese)

Adapté du roman du journaliste David Grann La Note américaine (Killers of the Flower Moon: The OsageMurders and the Birth of the FBI, 2017), le film Killers of the Flower Moon (2023) de Martin Scorsese retrace l’histoire étrange et sinistre du peuple osage. Dans l’Oklahoma des années 1900, la manne pétrolière, dont les bénéfices étaient dus aux Amérindiens osages, fut doublement détournée. Mettant sous tutelle ces citoyens américains de « seconde zone », le gouvernement favorisa les prévarications. Puis, dès 1920, des meurtres visèrent à déposséder la nation osage de ses droits. La richesse de ce peuple était alors réelle et l’argent du pétrole lui permettait d’être dispendieux : belles voitures, voyages, domesticité, ascension sociale rapide. Au début du long-métrage, le jaillissement du pétrole, découverte qui sera fatale aux Osage, rappelle une autre chronique des réprouvés. On trouve en effet une scène similaire, suivie de combats analogues, mais menés différemment contre d’injustes potentats, dans Miracle à Milan (1951) de Vittorio De Sica. Il est difficile de croire que le cinéphile Scorsese n’y ait pas songé.

Les chroniques du mal

William Hale, personnage réel qu’interprète ici Robert De Niro, projetait des mariages entre ses proches, notamment son neveu Ernest Burkhart (Leonardo DiCaprio), et des femmes indiennes dont il organisait par la suite l’assassinat. Il accaparait ainsi héritages et primes d’assurance. Discret, onctueux, affichant comme tout chef mafieux respectabilité et empathie, il fut démasqué dès 1926 par les enquêteurs de John Edgar Hoover, premier directeur du Bureau of Investigation, qui deviendra en 1935 le FBI (Federal Bureau of Investigation) – à la tête duquel Hoover resta jusqu’à sa mort, en 1972. Le neveu de William Hale, qui avait épousé Mollie Kyle (ici, Lily Gladstone), fut comme lui sévèrement condamné.

Ce film ne met en place aucun suspense. Dès le début de ce récit de trois heures et vingt-six minutes, nous savons que Hale organise le complot, utilisant l’aveuglement imbécile de son neveu. Scorsese poursuit ici son entreprise morale. Depuis ses premières créations, il s’est fait le chroniqueur du mal, de la trahison, associant ces deux démons à celui, tout aussi meurtrier, de la bêtise. Déjà Travis, le protagoniste de Taxi Driver (1976), comme le Henry des Affranchis (1990), était malfaisant et stupide, c’est-à-dire incapable d’envisager le réel, le maquillant constamment par son aveuglement, ses idées fixes, sa paranoïa. Travis (qui prépare dans Taxi Driver un attentat contre un politicien) était précisément un terroriste, un meurtrier convaincu d’agir « pour le bien ». En prison, à la fin de Killers of the Flower Moon, Hale pense qu’il ne risque rien. Il a construit des écoles, des routes, il est convaincu que « tout le monde l’aime ».

Son neveu Ernest est affligé d’une faiblesse d’esprit bien plus grande. Il « aime » sa femme, sincèrement, alors qu’il l’empoisonne à petit feu et qu’il a participé à la mort violente d’une grande partie de sa famille. De Niro et DiCaprio sont terrifiants dans ces rôles de paranoïaques malfaisants et approfondissent encore la portée intellectuelle de l’œuvre du cinéaste qui a grandi dans le Lower East Side de Manhattan. Cette continuité du propos du réalisateur est profondément émouvante pour qui sait à quel point son œuvre examine la question du mal, au-delà même de son idiosyncrasie catholique.

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René MARX. KILLERS OF THE FLOWER MOON (M. Scorsese) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

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