KAYSONE PHOMVIHANE (1920-1992)
Homme politique laotien. Né le 13 décembre 1920 à Savannakhet, d'un père fonctionnaire de l'administration coloniale, Kaysone Phomvihane a fait ses études secondaires et supérieures à Hanoi où, dès 1942, il milite avec les associations clandestines de gauche. En septembre 1945, Hô Chi Minh l'envoie organiser le mouvement d'indépendance à Savannakhet. Il y rencontre, dès octobre, le prince Souphanouvong et rejoint avec lui le gouvernement nationaliste du prince Pethsarath qui, à Vientiane, vient de proclamer l'indépendance du Laos. Dès avril 1946 cependant, l'offensive militaire française rétablit le pouvoir royal et force Pethsarath, Souphanouvong et leurs partisans à se réfugier à Bangkok.
Kaysone met alors sur pied des groupes de guérilla dans le nord-est du pays, où il harcèle les forces franco-laotiennes. Il y est rejoint, en février 1949, par Souphanouvong qui rompt avec le groupe de Bangkok, lequel se rallie d'ailleurs, cette même année, au gouvernement royal de Vientiane. Celui-ci vient en effet d'obtenir de Paris « l'indépendance dans l'Union française ».
En août 1950, Souphanouvong réunit un Congrès national des peuples du Laos qui décide la création d'un « gouvernement provisoire de résistance ». Souphanouvong est élu président de ce « gouvernement du Pathet Lao » (État du Laos). Kaysone en devient le ministre de la Défense. Il vient d'adhérer au Parti communiste indochinois (P.C.I.), et, peu après, il entre au comité central du Front du Laos libre (Neo Lao Isara), structure politique constituée pour soutenir le gouvernement du Pathet Lao.
Les accords de Genève de 1954 mettent fin à la guerre au Laos tout comme au Vietnam, mais le gouvernement royal est reconnu par les puissances comme le seul légitime. Secrètement, les communistes laotiens, qui se sont détachés du P.C.I. en 1951, fondent alors, en mars 1955, leur propre parti, qui prendra plus tard le nom de Parti populaire révolutionnaire du Laos (P.P.R.L.). Kaysone en est le véritable créateur et en devient, dès le début, son secrétaire général, son leader ; il le restera jusqu'à sa mort. Mais, pour pouvoir trouver sa place dans le royaume, le gouvernement provisoire du Pathet Lao décide, en janvier 1956, de se transformer en une simple organisation politique, le Front patriotique lao (Neo Lao Haksat, N.L.H.), dont le président est encore le prince Souphanouvong. Le gouvernement royal est alors présidé par le prince Souvanna Phouma, demi-frère de Souphanouvong et ancien ministre du groupe de Bangkok. Un gouvernement de coalition est finalement constitué en novembre 1957. Kaysone n'en est pas ; il reste en « zone libérée », à Khang Khay, où il poursuit méthodiquement l'organisation des « forces armées populaires de libération ». En 1959, après que le gouvernement de coalition eut été renversé par la droite et que Souphanouvong eut été capturé et interné par elle, Kaysone émerge comme l'homme fort de la gauche. Il est élu, en octobre 1959, vice-président du Neo Lao Haksat, un poste qu'il conservera jusqu'en 1979.
C'est le début d'une guerre civile de quinze ans, inséparable, à partir de 1964, de la guerre qui se déroule à côté, au Vietnam. La zone tenue par le N.L.H. est vitale pour Hanoi, car elle couvre la fameuse « piste Hô Chi Minh ». La fin de la guerre du Vietnam en 1973 permet à Souphanouvong et à Souvanna Phouma, de nouveau partenaires, de conclure un cessez-le-feu et de reconstituer un gouvernement de coalition. Mais, pour Kaysone, seules la lutte armée et la violence révolutionnaire conviennent face à la réaction. L'occasion survient en 1975, après la chute de Phnom Penh et de Saigon. Les communistes laotiens passent à l'offensive générale le 6 mai et, en quelques semaines, disloquent le dispositif adverse. À la fin de novembre, ils obtiennent l'abdication du roi, la démission du gouvernement d'union de Souvanna Phouma. Le 2 décembre, un « congrès national », sur la proposition de Kaysone, proclame la République démocratique populaire. Souphanouvong en est élu président. Kaysone devient le Premier ministre du Laos. Il le restera jusqu'en 1991.
Avec le P.P.R.L., il se lance alors dans la « marche vers le socialisme » : épuration politique de l'administration et de l'armée royales, création de camps de rééducation, diffusion massive du marxisme-léninisme, nationalisation du commerce et de l'industrie, socialisation de l'agriculture, etc. Plus de deux cent mille personnes, près de 10 p. 100 de la population, s'enfuirent en Thaïlande. Il en résulta une crise économique profonde, des pénuries généralisées, une vive tension politique, la reprise d'une guérilla.
Dès 1977, on dut reconnaître que les données de base nécessaires à la construction du socialisme étaient pratiquement inexistantes au Laos et qu'il fallait d'abord améliorer les conditions de vie de la population et fonder le développement sur l'agriculture. Moscou indiqua que l'aide soviétique ne serait poursuivie que s'il y avait infléchissement de la politique laotienne. À partir de 1978, Kaysone rectifie le tir. La socialisation de l'agriculture est arrêtée, et dans le commerce on rend des responsabilités aux capitalistes privés.
Le tournant pris par Kaysone est bénéfique : reprise de la production, atténuation des pénuries, détente politique. Le retour à l'économie de marché et l'ouverture aux commerçants et aux investisseurs étrangers apporte une nette amélioration de l'économie. À la tête du parti et du gouvernement, Kaysone dirige fermement cette évolution et surmonte des crises intérieures et extérieures, notamment avec la Chine (1979-1980) puis la Thaïlande (1987-1988). Tout en restant un fidèle allié d'Hanoi, Kaysone a obtenu une marge de manœuvre appréciable qui lui a permis de nouer des rapports directs avec Moscou, Pékin, Bangkok et même Washington.
Kaysone n'entre que tardivement et lentement dans la voie des réformes politiques. Il est opposé à tout multipartisme. Le Front d'édification de la patrie (contrôlé par le P.P.R.L.), créé en 1978, demeure l'unique formation politique autorisée. Il s'est élargi et reste symbole d'unité, mais il ne peut, pas plus que le parti, s'identifier à l'État. Celui-ci, même sous la direction du P.P.R.L., doit se doter d'institutions démocratiques. D'où des élections locales en 1988 puis, en mars 1989, l'élection d'une Assemblée nationale. Une Constitution est finalement adoptée en août 1991. Elle confère au président de la République de larges pouvoirs. Or Souphanouvong, pour des raisons de santé, a dû s'effacer. Kaysone, qui vient de prendre en mars 1991 la présidence du parti, est élu le 15 août président de la République, ce qui lui permet d'abandonner le poste de Premier ministre à son second.
Sa mort, le 21 novembre 1992, clôt un long et dur chapitre de l'histoire du Laos.
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Écrit par
- Philippe DEVILLERS : docteur ès lettres (histoire), historien, professeur (relations internationales)
Classification
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LAOS
- Écrit par Philippe DEVILLERS , Madeleine GITEAU , Christian LECHERVY , Paul LÉVY et Christian TAILLARD
- 20 236 mots
- 6 médias
...monarchie – le 29 novembre, le roi Savang Vatthana (1907-1978) a été contraint d'abdiquer à Luang Prabang – et devient la République démocratique populaire lao (R.D.P.L.). Le prince Souphanouvong (1909-1995) est élu chef de l'État et Kaysone Phomvihane (1920-1992), chef du gouvernement révolutionnaire. -
PHOUMI VONGVICHIT (1909-1994)
- Écrit par Philippe DEVILLERS
- 1 087 mots
Une des grandes figures qui ont marqué la vie politique laotienne pendant quatre décennies, la lutte pour l'indépendance du pays et l'instauration d'un régime socialiste, Phoumi Vongvichit s'est éteint à Vientiane, le 7 janvier 1994. Il fut, durant toute sa vie active, le...
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SOUVANNA PHOUMA (1901-1984)
- Écrit par Philippe DEVILLERS
- 1 144 mots
Né le 7 octobre 1901, le prince Souvanna Phouma est le fils du prince Boun Khong (« second roi », ou Maha Oupahat, de Luang Prabang) et de la princesse Thongsy, de la famille royale régnante. Après des études supérieures en France, il revient en 1931 au Laos et travaille à la direction des...
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