SOUVANNA PHOUMA (1901-1984)
Né le 7 octobre 1901, le prince Souvanna Phouma est le fils du prince Boun Khong (« second roi », ou Maha Oupahat, de Luang Prabang) et de la princesse Thongsy, de la famille royale régnante. Après des études supérieures en France, il revient en 1931 au Laos et travaille à la direction des Travaux publics, il accède ainsi au groupe des hauts fonctionnaires de l'Indochine.
Souvanna Phouma entre en politique en 1945. Avec son demi-frère cadet, le prince Souphanouvong, il est en octobre 1945 membre du premier gouvernement de l'« État du Laos » (Pathet Lao). En 1946, la France organise et unifie le Laos, dont le roi Sisavang Vong de Luang Prabang devient en 1946 le souverain. Une Constitution est promulguée en mai 1947, une Assemblée législative élue, un gouvernement royal formé qui, le 19 juillet 1949, conclut avec la France une convention par laquelle l'indépendance du Laos est reconnue dans le cadre de l'Union française ; Souvanna Phouma juge cet accord acceptable. Il est bientôt ministre des Travaux publics dans le gouvernement que préside Phoui Sananikone, et il succède à celui-ci, en novembre 1951, comme Premier ministre. Il doit alors faire face à la menace politique et militaire de son frère Souphanouvong qui, depuis qu'il a créé en août 1950 le mouvement « Pathet Lao », s'est établi, avec le soutien de Hô Chi Minh, sur la frontière orientale. Souvanna Phouma obtient de la France, par le traité du 22 octobre 1953, l'indépendance totale du Laos (dans l'Union française). Mais le traité est assorti d'un accord de défense franco-lao : l'armée française reste au Laos. À la conférence de Genève, qui, en juillet 1954, met fin à la première guerre d'Indochine, le gouvernement royal de Vientiane est reconnu comme le seul pouvoir légitime au Laos, et le pays, que doivent évacuer toutes les forces étrangères (sauf les Français), échappe ainsi à tout partage.
En attendant un règlement politique, le Pathet Lao s'est vu en effet attribuer deux provinces pour le regroupement de ses forces. Or, considérant sa légitimité égale à celle du gouvernement royal, il ne veut négocier avec celui-ci que sur une base de stricte égalité. Souvanna Phouma, admet une telle position, car il recherche une réconciliation et une coopération entre Laotiens. Il pense qu'en intégrant le Pathet Lao au système national, et en adoptant, sur le plan extérieur, une politique de stricte neutralité, on le détournera de l'influence de Hanoi. Mais cette attitude neutraliste est mal vue à Vientiane et surtout à Washington. Souvanna Phouma doit démissionner (oct. 1954). Son successeur, Katay D. Sasorith, préfère forcer le Pathet Lao à se soumettre à un régime « à l'occidentale », où la majorité politique impose ses vues à la minorité. Il organise, en décembre 1955, des « élections générales », mais le Pathet Lao les boycotte et l'impasse reste totale. L'Assemblée nationale s'en rend compte : Katay doit se retirer, et Souvanna Phouma est appelé de nouveau à former le gouvernement (21 mars 1956).
Il reprend immédiatement les négociations avec Souphanouvong qui, pour faciliter un compromis, a créé une formation politique, le Front patriotique laotien (Neo Lao Haksat). En août 1956, un accord de principe est conclu : un gouvernement d'union nationale sera formé, qui pratiquera une politique extérieure de neutralité. Pékin et Hanoi donnent des assurances. Ce n'est cependant qu'en novembre 1957 que sera constitué le gouvernement d'union nationale, où Souphanouvong est ministre du Plan.
Renversé dès juillet 1958 par la droite et nommé ambassadeur à Paris (où il restera près de deux ans), il va assister, impuissant, à la reprise de la guerre civile. Il revient brièvement au pouvoir d'août à décembre 1960. Finalement, en juin 1961, les États-Unis et l'U.R.S.S. conviennent de laisser se reconstituer un gouvernement de coalition et d'union dans un Laos dont ils acceptent la neutralité. Les trois princes, Souvanna Phouma, Souphanouvong et Boun Oum (du Bassac), s'entendent, et le premier reprend, en juin 1962, la tête du gouvernement d'union nationale.
De 1962 à 1975, Souvanna Phouma. sera le chef du gouvernement royal du Laos, un gouvernement que la gauche quitte dès septembre 1963, estimant sa sécurité menacée, dans les villes, par le terrorisme pratiqué par la droite. Mais la neutralité du Laos n'est du goût ni de Saigon ni de Washington qui constatent combien elle est violée par Hanoi qui, à travers le Laos, ravitaille la guérilla au Sud-Vietnam. Leader d'un centre neutraliste qui ne va plus cesser de se rétrécir au fur et à mesure que l'affrontement des deux extrêmes se développe, Souvanna choisit cette fois de demeurer aux commandes, même si, en avril 1964, un coup d'État militaire le force à changer de cap, à s'opposer à son tour à Hanoi. Victime de la guerre du Vietnam, le Laos va être pendant neuf ans affreusement bombardé par l'U.S. Air Force.
Impavide, Souvanna reste au pouvoir, résistant aux tentatives de coup d'État, s'efforçant de limiter l'ingérence étrangère et d'arrêter l'effusion de sang. Il saura, en dépit de tout, ne pas perdre le contact avec son frère. Il faut attendre la fin de la guerre au Vietnam et des bombardements américains au Laos en février 1973 pour négocier sérieusement la fin de la guerre civile. Après un accord de principe signé en septembre 1973, un gouvernement d'union nationale est reconstitué le 5 avril 1974, toujours sous la présidence de Souvanna Phouma. Souphanouvong est cette fois président du Conseil politique national, sorte d'Assemblée provisoire. En juillet 1974, Souvanna Phouma est frappé d'une crise cardiaque qui l'oblige à venir se faire soigner en France. Mais, à partir de mai 1975, la déroute de la droite à Saigon et à Phnom Penh se répercute au Laos. En quelques semaines, le Front s'y empare de la totalité du pouvoir de fait. Le 29 novembre, le roi Savang abdique, et le 2 décembre le Front proclame la République « démocratique et populaire », dont Souphanouvong devient président. Souvanna Phouma, lui, cède la place de Premier ministre à Kaysone Phomvihane, le numéro un des communistes laotiens, dont il est nommé, à soixante-quatorze ans, le « conseiller suprême ».
Il n'exercera plus dès lors qu'une influence discrète. Il meurt à Vientiane le 10 janvier 1984.
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Écrit par
- Philippe DEVILLERS : docteur ès lettres (histoire), historien, professeur (relations internationales)
Classification
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