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GREENAWAY KATE (1846-1901)

L'illustratrice anglaise Kate Greenaway est redevable de sa vocation à son père graveur. Des séjours d'enfance à la campagne où elle a pu observer des usages surannés lui fournissent les éléments d'un style vestimentaire au charme indéniable : longs manteaux boutonnés, capotes à rubans, larges ceintures pastel, mitaines, ombrelles et éventails. Ce sont en effet des petites filles qui peuplent ses illustrations, graciles formes au contour ferme et délicat, au modelé sans épaisseur, aux visages candides auréolés de boucles sages. Jardins, cottages, petits bourgs sont des souvenirs idéalisés de son enfance revue et rêvée, épargnée par les laideurs de la société industrielle.

Elle se lance dans le métier en dessinant d'abord des cartes de Noël et de la Saint-Valentin pour le compte de l'éditeur Marcus Ward qui ne recrutait pourtant que des artistes confirmés. Elle perfectionne ainsi son style, attentive aux critiques, et ses images d'enfants habillés de costumes anciens et raffinés plaisent tant qu'une mode est créée. Elle propose bientôt des dessins, accompagnés de vers, à l'imprimeur Evans, spécialiste de la gravure sur bois en couleurs, sensible au soin méticuleux apporté au dessin des costumes, à la délicatesse des coloris et à l'originalité de la mise en pages, bien adaptée à la perception d'un jeune public. La première édition de Under the Window (1878) s'arrache très rapidement ; le nom de Kate Greenaway est devenu célèbre. Un nouveau style d'image enfantine est élaboré, axé sur une parfaite lisibilité des formes, détachées sur un fond blanc. Ce premier album présente même une table des matières avec des vignettes en miniature, art où excelle Greenaway. L'album Marigold Garden (1885) est de la même veine : scènes de jeu, défilés d'enfants, attitudes justes mises en valeur par l'esthétique vestimentaire ; les enfants sont parfois vus aussi de dos ou de profil, le visage perdu sous un large chapeau. Un nouveau mode de représentation des enfants est inventé grâce à des procédés graphiques qui seront repris par l'illustrateur français Boutet de Monvel : répétition du même motif pour créer un effet malicieux, alignement des enfants par taille croissante, délimitation des formes, miniaturisation, absence fréquente d'arrière-plan. Cependant, les attitudes ont un caractère éthéré bien éloigné du naturel d'un Frölich à la même époque en France. Cet angélisme a séduit le critique Ruskin, grand propagateur des œuvres de Greenaway. La composition de l'image est habilement diversifiée et toujours légère, reposante pour l'œil : trouvaille stylistique encore, le choix de rares motifs décoratifs complétant en contrepoint l'illustration principale. Dès ces premiers albums, un style s'affirme autour du monde des petites filles qui transmettent un éternel féminin fait de grâce alanguie, de toilettes raffinées, d'activités douces. Il n'y a pas de conflit entre les personnages qui se côtoient dans une sorte d'innocence. Cette atmosphère de paradis un peu mélancolique est aussi celle du frontispice de The Pied Piper of Hamelin (L'Homme à la flûte, 1889, pour les éditions anglaise et française) accréditant l'idée que l'enfance est un monde à part, se suffisant à lui-même. La longue farandole des enfants se déroulant sur deux doubles pages, contrastant avec les trognes épaisses des bourgeois de Hamelin, exprime la course vers le bonheur, loin de la société des adultes corrompus par l'argent. Chez Greenaway, la beauté physique suffit pour transformer la réalité en une rêverie édénique.

Pour illustrer les comptines (nursery rhymes), Greenaway adopte un petit format, crée une harmonie entre les vers en minuscules italiques, la taille des personnages et un décor idyllique. Dans[...]

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Laura NOESSER. GREENAWAY KATE (1846-1901) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

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