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BARBEY D'AUREVILLY JULES (1808-1889)

On ne peut aisément situer ni définir Barbey d'Aurevilly. Par les dates de sa vie, il touche aux deux mouvements littéraires extrêmes du xixe siècle, le romantisme et le symbolisme ; il semble prolonger l'un et, par certains aspects de son œuvre, annoncer l'autre. Personnage contradictoire, il a laissé de soi une image complexe, ou plutôt des images opposées dont la critique a quelque peine à tirer un portrait : celle d'un dandy un peu ridicule, celle d'un critique brutal et dogmatique, appuyant ses condamnations violentes sur un catholicisme étroit, celle d'un romancier régionaliste, attiré par le passé de sa Normandie natale et par la chouannerie qui flatte son royalisme, celle aussi d'un créateur qui pousse ses personnages aux limites de la révolte, du satanisme et du blasphème.

Le dernier grand seigneur ?

<em>Jules Barbey d’Aurevilly</em>, Carolus-Duran - crédits : DeAgostini/ Getty Images

Jules Barbey d’Aurevilly, Carolus-Duran

Jules Barbey d'Aurevilly est né le 2 novembre 1808, à Saint-Sauveur-le-Vicomte, petite ville du Cotentin. S'il ne descendait pas, comme on l'a longtemps prétendu, de Louis XV, il appartenait à une famille aisée, très officiellement anoblie vers le milieu du xviiie siècle. La Révolution avait brusquement interrompu cette ascension sociale. L'enfant vécut au milieu des rêves, des regrets et des rancœurs. La Restauration même parut tiède à de tels royalistes qui s'enfermèrent dans leur mauvaise humeur. Des études traditionnelles et assez sérieuses, une licence de droit faite à Caen sont les concessions qu'il fait à sa famille. En 1833, il se libère grâce à un petit héritage, et vient s'installer à Paris. L'héritage dilapidé, il tentera de se faire une place dans la littérature ; il lui faudra plus de quinze ans pour connaître son premier succès, avec la publication simultanée d'un pamphlet, Les Prophètes du passé, et d'un roman, Une vieille maîtresse. C'était en 1851 ; il avait déjà collaboré à divers journaux, pour des articles politiques ou de la critique littéraire ; il mène alors une vive campagne en faveur du rétablissement de l'Empire. L'année suivante, il entre au Pays, journal officieux dont il rédigera le feuilleton littéraire pendant plus de dix ans. Son bonapartisme était du royalisme résigné, son catholicisme intransigeant irritait ; il se maintint non sans difficulté dans ce journal jusqu'à 1862. Les années qui suivent le rejettent à l'agitation : il collabore à de « petits journaux », généralement d'opposition, Le Figaro, Le Nain jaune, Le Parlement... publiant de la critique, des feuilletons de théâtre, des articles polémiques (Les Médaillons de l'Académie, Les Ridicules du temps, Les Vieilles Actrices...). Son œuvre romanesque se développe parallèlement : L'Ensorcelée, 1852 ; Le Chevalier des Touches, 1863 ; Un prêtre marié, 1864. Après la mort de son grand ennemi, Sainte-Beuve, il est chargé de la critique littéraire au Constitutionnel. La vie s'apaise, la violence profonde demeure, dans de nouvelles polémiques politiques en 1872, en 1880 ; dans l'œuvre romanesque : Les Diaboliques, publiées en 1874, sont déférées au Parquet, le procès évité non sans peine. Dans les dernières années de sa vie, la réputation et l'autorité lui sont enfin venues. Autour de celui que quelques-uns appellent « le Connétable des lettres » se réunissent de jeunes écrivains, des amis, ou simplement des admirateurs : Léon Bloy, Paul Bourget, Peladan, Jean Lorrain, Rollinat... Les dernières heures sont tristes, et bien connues : la baronne de Bouglon, l'Ange blanc, à qui, trente-cinq ans plus tôt, d'Aurevilly s'était fiancé, dispute l'héritage de l'écrivain à Louise Read, secrétaire et amie des dernières années.

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Écrit par

  • : docteur ès lettres, professeur à l'université de Besançon

Classification

Pour citer cet article

Jacques PETIT. BARBEY D'AUREVILLY JULES (1808-1889) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Média

<em>Jules Barbey d’Aurevilly</em>, Carolus-Duran - crédits : DeAgostini/ Getty Images

Jules Barbey d’Aurevilly, Carolus-Duran

Autres références

  • LES DIABOLIQUES, Jules Barbey d'Aurevilly - Fiche de lecture

    • Écrit par Patrick AVRANE
    • 948 mots
    • 1 média

    Jules Barbey d'Aurevilly (1808-1889) a vécu de son métier de journaliste plus que de son œuvre proprement littéraire. Une trentaine de volumes rassemblant ses critiques de livres, de pièces de théâtre, ses articles polémiques furent publiés, en grande partie après sa mort. Toutefois, son travail...

  • DANDYSME

    • Écrit par Françoise COBLENCE
    • 1 978 mots
    • 5 médias
    ...voit en Brummell « l'existence la plus curieuse que le xviiie siècle ait produite en Angleterre et peut-être en Europe ». Mais c'est surtout Barbey d'Aurevilly et Baudelaire qui transforment le personnage en type idéal, modifiant profondément l'invention de Brummell. Le passage par la littérature...
  • PASSAGES, architecture

    • Écrit par Jean-François POIRIER
    • 7 088 mots
    ...passage s'effrite, sa nouveauté a vieilli et les auteurs se font désormais l'écho des jugements négatifs que le public commence à porter sur les passages. Barbey d'Aurevilly les boude car il y voit la matérialisation d'une modernité haïe et un lieu anti-aristocratique par excellence, un temple du commerce...
  • SATANISME, littérature

    • Écrit par Max MILNER
    • 3 570 mots
    • 1 média
    ...la « postulation vers Satan » s'impliquent et se conditionnent mutuellement. Quels qu'aient été les sentiments religieux de Baudelaire, on comprend que Barbey d'Aurevilly ait déclaré : « Après Les Fleurs du mal, il n'y a plus que deux partis à prendre pour le poète qui les fit éclore : ou se...