PERÓN JUAN DOMINGO (1896-1974)
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Président de la République argentine de 1946 à 1955 et, après dix-huit ans d'exil, de septembre 1973 à sa mort, le général Perón a marqué durablement la vie politique argentine. Fondateur du péronisme, un mouvement qui s'appuie sur son leadership charismatique et sa rhétorique nationaliste, il a instauré un régime autoritaire qui est devenu le paradigme du populisme latino-américain.
Carrière militaire et première présidence
Né à Lobos, dans une exploitation de la région de production laitière qui entoure Buenos Aires, Juan Domingo Perón entre à quinze ans au Collège militaire et ne quittera pas l'armée active avant sa prise du pouvoir. Il gravit sans hâte les échelons, se spécialisant dans les troupes de montagne, puis il commence à s'intéresser aux expériences faites à l'étranger. Il se fait nommer attaché militaire au Chili, puis il est envoyé en mission dans l'Italie de Mussolini en 1939. Il paraît fasciné par le parti que l'on peut tirer d'un appel direct aux couches les plus humbles d'un peuple en leur tenant un langage propre à faire vibrer leur nationalisme latent et leurs aspirations à un minimum de justice sociale. Il semble également faire sienne une doctrine pyramidale de l'État où un homme, le líder, ayant la confiance de tous, est chargé d'arbitrer, pour indiquer, au nom de la solidarité nationale, la voie à suivre. Cela pourrait être du corporatisme, mais Perón corrige cette doctrine par un désir d'unanimisme et par un appel au verbe plus qu'à la force. Sa vision confuse, mi-autoritaire mi-généreuse, des rapports sociaux et du rôle de l'État se décante en une formule et en un mouvement : le justicialisme, qui n'est encore, en 1943, lors du putsch réussi des militaires fascisants du Groupe des officiers unis (G.O.U.), que dans les limbes de la pensée du colonel Perón. Toutefois, elle lui inspire déjà l'idée géniale de solliciter le poste obscur de secrétaire d'État au Travail.
Dès lors, la vie de Perón se confond avec l'histoire de l'Argentine. Il suffit d'en évoquer brièvement les moments décisifs : la rencontre avec Eva Duarte d'abord, la jeune, jolie et passionnée speakerine de Radio-Belgrano, qui prend fait et cause pour tous les déshérités et laissés-pour-compte d'une société argentine particulièrement brutale dans les rapports qu'elle laisse s'établir entre l'aristocratie et les producteurs de la richesse. Aussi, lorsque ses collègues de la junte militaire s'inquiètent du rayonnement de Perón (rayonnement non seulement verbal mais aussi structuré par des liens étroits avec les organisations syndicales qu'il favorise), quand ils le mettent aux arrêts, Evita fait entrer les médias dans l'histoire argentine en mobilisant, le 17 octobre 1945, les travailleurs de la banlieue. Ceux-ci viennent en famille investir le palais présidentiel. Par cette manifestation spontanée, qui marque l'entrée massive des travailleurs dans la vie politique nationale, les descamisados obtiennent, certes, le retour au premier rang de leur idole, mais surtout créent le mythe, toujours vivace, du pouvoir populaire péroniste ; d'ailleurs l'appareil syndical devient le plus puissant pilier du péronisme. Le 24 février 1946, Perón est élu président de la République à l'issue d'un scrutin régulier qui le fait triompher de Tamborini, candidat des partis coalisés contre lui, de la droite à la gauche, sous le sigle de l'Union démocratique et jouissant de l'appui des États-Unis. Il est réélu en 1951 ; mais son épouse, Evita, meurt de leucémie en juillet 1952 et le prive d'un incomparable atout de popularité, alors que la crise économique frappe l'Argentine après les années d'abondance de l'immédiat après-guerre. Peu à peu, les deux alliés du régime, les forces armées et l'Église (subitement attaquée à cause de son hostilité à l'endoctrinement systématique de la jeunesse et à la légalisation du divorce), l'abandonnent ; les classes moyennes urbaines sont lasses d'un système qui lamine leur représentation tout en se dégradant en des formes de plus en plus totalitaires ; enfin, une certaine inquiétude gagne les ouvriers atteints par la crise.
Élu président de la République Argentine, Juan Domingo Perón (1895-1974) salue la foule de l'avenue de Mayo, en 1946.
Crédits : Bettmann/ Getty Images
Le président argentin Juan Domingo Perón (1895-1974) et son épouse Eva Perón (1919-1952) à Buenos Aires, en 1951.
Crédits : Hulton Getty
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Écrit par :
- Romain GAIGNARD : maître assistant des facultés des lettres et sciences humaines, professeur à l'université nationale de Cuyo-Mendoza, Argentine
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Romain GAIGNARD, « PERÓN JUAN DOMINGO - (1896-1974) », Encyclopædia Universalis [en ligne], consulté le 13 août 2022. URL : https://www.universalis.fr/encyclopedie/juan-domingo-peron/