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JOUBERT JOSEPH (1754-1824)

Né à Montignac, fils d'un chirurgien de l'armée, Joseph Joubert fait ses études à Toulouse et songe à endosser l'habit ecclésiastique. Il vient à Paris en 1778, fréquente les philosophes, travaille avec Diderot. Il se lie d'amitié avec Fontanes, qui le prendra comme conseiller quand il sera grand maître de l'Université, le nommant inspecteur général (1809). De 1776 à sa mort, il remplit ses Carnets de milliers de notes, allant de la méditation religieuse à la critique littéraire. Son ami Chateaubriand en publie en 1838 un premier choix, sous le titre de Recueil des pensées de M. Joubert ; mais il faut attendre 1938 pour qu'André Beaunier en propose l'édition complète.

Joubert a horreur du plein, qui exclut l'homme. Même les matières les plus dures doivent faire place au vide : « Le marbre, le plomb peuvent devenir nuage. » De tous les éléments, il privilégie l'eau et la lumière, plus « l'esprit », sans lequel « tout serait plein et rien ne serait pénétrable ; il n'y aurait ni mouvement, ni circulation, ni vie ». Il loue dans « l'imagination » sa faculté de mêler le spirituel et le sensible : « Il faut mêler la terre et le ciel. » Pas de « têtes pleines, où rien d'extérieur ne peut entrer ! » ; pas de « tour sentencieux », car « de toutes les formes du discours, c'est la plus solide ». Le style de Joubert charme par sa limpidité — sa poésie, a rappelé Georges Poulet. Joubert est, certes, concis, mais il est soucieux de polir, plutôt que de ciseler ; « spatieux » aussi, jamais lassé de l'immensité qu'il découvre, qu'il rêve de ramasser en « gouttes de lumière » : les « trois étendues », le temps, l'espace et le silence.

« Le style continu n'est naturel qu'à l'homme qui écrit pour les autres. Tout est jet et coupure dans l'âme. » Joubert serait moraliste en cela : sereinement indifférent à son destin public, il consent au naturel de l'âme ; il ne veut pas forcer son caractère : « Je suis, je l'avouerai, comme une harpe éolienne, qui rend quelques beaux sons, mais n'exécute aucun air. » Ces sons, ajoute-t-il, « ne sont pas liés, mais sont ravissants ». Ainsi Joseph Joubert tend à une sorte de paix angélique, sagesse plus accessible que la vérité : « La vérité consiste à imaginer les choses comme Dieu les voit et la modération à être ému comme les anges. »

— François TRÉMOLIÈRES

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Pour citer cet article

François TRÉMOLIÈRES. JOUBERT JOSEPH (1754-1824) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • FRAGMENT, littérature et musique

    • Écrit par Daniel CHARLES, Daniel OSTER
    • 9 372 mots
    • 2 médias
    Il en va de même pour Joubert, à qui ses premiers éditeurs (Paul de Raynal, 1842) inventèrent des « pensées » ordonnées selon des thèmes, extraites d'un journal où au contraire toutes les notations étaient comme suspendues dans le vide et l'éther. À la fragmentation première du ...
  • JOURNAL INTIME

    • Écrit par Claude BURGELIN
    • 2 331 mots
    ...proche de la sténographie, il cherche alors la coïncidence la plus rapide entre l'écriture et la parole, l'expression et l'intuition ou la sensation. Répugnant souvent à l'expansion rhétorique, il peut être un terrain d'essai de la forme brève ou de l'écriture aphoristique. Dans leur souci de la cristallisation...
  • INCIVILITÉ

    • Écrit par Bernard VALADE
    • 4 279 mots
    ...celui qui n'observe pas les usages et dont le comportement est grossier, violent, brutal. En ce sens, l'incivil est incivilisé, et l'incivilisation a été caractérisée, au début du xixe siècle, par Joubert : « La civilisation – grand mot dont on abuse. C'est ce qui rend civil. Il y a civilisation par la...
  • LE VOYAGE VERTICAL et BARTLEBY ET COMPAGNIE (E. Vila-Matas) - Fiche de lecture

    • Écrit par Jean-Pierre RESSOT
    • 989 mots

    À la crise qui semble frapper depuis longtemps la création romanesque espagnole, Enrique Vila-Matas, né à Barcelone en 1948, répond en se situant hors normes, en pratiquant dès ses premiers livres une recherche ludique de l'originalité, dans un mélange de fiction et d'essai pimenté d'humour....