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OTEIZA JORGE (1908-2003)

La vie et l'œuvre du sculpteur Jorge Oteiza sont un modèle d'engagement artistique. Né le 21 octobre 1908 à Orio, au Pays basque espagnol, Jorge Oteiza Embil (mort le 9 avril 2003 à Saint-Sébastien) commence à sculpter en autodidacte à la fin des années 1920. Ses premières œuvres s'apparentent à celles de Constantin Brancusi et de Jacob Epstein par leur aspect primitif ; cependant, le sculpteur conserve une affection particulière pour les plans et angles droits, ce qui le rapproche du mouvement postcubiste. À l'approche de la guerre civile, en 1935, il part pour l'Amérique latine (Argentine, Chili, Colombie, Pérou), où il restera plus de treize ans. Durant cette période, il sculpte peu mais enseigne, écrit et étudie la statuaire précolombienne. À son retour en 1948, il s'installe à Bilbao et, l'année suivante, participe au Salon de Los Once, aux côtés de Joaquín Torrès Garcia, Joan Miró et Salvador Dalí. Certaines sculptures, comme Guerriers (1950), rappellent fortement celles de l'Anglais Henry Moore. L'étude de la silhouette humaine amène Oteiza vers des formes de plus en plus abstraites. En 1951, il décore la façade de la basilique d'Aránzazu, mais, confronté à de multiples difficultés d'ordre religieux et politique, il n'achèvera ses sculptures qu'en 1969.

À partir du milieu des années 1950, Oteiza délaisse les composantes figuratives de la sculpture pour s'intéresser au discours interne qui sous-tend l'œuvre, à partir du cylindre, de la sphère et du cube. En peu de temps (1955-1959), il développe une œuvre d'une grande pureté poétique, qui atteint son point culminant en 1957, année où il obtient le grand prix de sculpture à la biennale de São Paulo. Sa conception d'un espace aussi présent que la masse solide lui permet de travailler le vide comme de la matière. Il utilise le vocabulaire des constructivistes russes et de Malévitch. La sculpture qu'il réalise s'effectue non par évidement ou fission, mais par fusion d'unités formelles légères. L'emploi du fer (plutôt que de la pierre) lui permet une plus grande liberté. La finalité de son processus expérimental l'amène vers une « désoccupation » spatiale, comme le montrent la série des Boîtes vides et celle des Boîtes métaphysiques, ce qui le conduit à abandonner son activité sculpturale en 1959.

Il se lance alors vers de nouvelles formes d'expression, poésie, cinéma et surtout architecture, remportant, en collaboration avec l'architecte Roberto Puig, le concours international pour le Monument à Battle y Ordoñez de Montevideo en Uruguay (1959). Toutefois, il reprend son activité de sculpteur à partir de 1972 et réalise alors des œuvres monumentales pour des espaces publics. Ses sculptures aux formes abstraites et rationnelles, dans un pays acquis à la cause de l'abstraction expressionniste, font de lui le promoteur le plus actif de l'art abstrait géométrique en Espagne dans les années 1950. Certaines de ces œuvres, telles que l'Hommage au caractère stylistique vide du cubisme (1959), peuvent être clairement envisagées comme une anticipation du minimalisme et de l'art conceptuel.

Néanmoins, l'influence la plus marquante d'Oteiza dans le contexte politico-culturel provient de ses publications et essentiellement de son livre Quousque Tandem !Essai d'interprétation esthétique de l'âme basque. Publié en 1963, ce véritable best-seller au Pays basque diffuse la notion d'une esthétique « nationale ». C'est un ouvrage polémique et controversé, mais décisif pour la culture basque. L'essai suivant de l'artiste, Exercices spirituels dans un tunnel, censuré en 1966, ne sera publié qu'en 1983. L'influence d'Oteiza est considérable ; à la différence de son compatriote Eduardo Chillida[...]

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Écrit par

  • : docteur en histoire de l'art, attachée de conservation au musée d'Art moderne, Lille Métropole

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Pour citer cet article

Valérie VERGEZ. OTEIZA JORGE (1908-2003) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

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