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TAVERNER JOHN (1490?-1545)

On connaît mal la vie de Taverner, sans conteste le plus grand compositeur du règne de Henry VIII, et ses biographes se sont affrontés parfois à son sujet en des polémiques passionnées. S'il est avéré, par exemple, qu'il a été emprisonné en 1528 pour hérésie luthérienne malgré la protection du cardinal Wolsey, alors Premier ministre, il n'a jamais été prouvé qu'il soit devenu par la suite ce fanatique religieux qui, selon certains, aurait contribué, sous Thomas Cromwell, successeur de Wolsey dans la grâce du roi, à mettre à sac églises et monastères. Ce qui est sûr, en revanche, c'est qu'on le trouve en 1524-1525 membre, puis maître du chœur de la collégiale de Tattershall, dans son Lincolnshire natal, avant d'être nommé en 1526 dans le même emploi à Cardinal College — aujourd'hui Christ Church — récemment fondé par Wolsey à Oxford, puis, Wolsey étant tombé en disgrâce, de se replier sur l'église de Saint Botolph à Boston, qu'il quitte en 1537 pour mener par la suite une vie de notable local.

Auteur de huit messes, dont trois grandes à six voix, de onze antiphons votifs, de trois Magnificat à quatre, cinq et six voix, d'un nombre considérable de pièces liturgiques, répons, séquences, traits, proses, Te Deum, il a su, dans les limites d'une vie relativement courte et semée d'embûches, résumer dans son œuvre la musique de son temps et fonder les bases d'une influence durable. Et certes, bien des œuvres de Taverner demeurent exemplaires, innovant par rapport à la tradition dans leur texture et leur polyphonie. Mais c'est surtout par deux de ses messes qu'il s'impose à notre attention. L'une, intitulée Western Wynde, prend pour cantus firmus, qui dans chacun des quatre mouvements engendrera neuf variations, le thème d'une chanson populaire, conformément à une tradition établie sur le continent et contrairement à l'habitude anglaise de choisir un motif grégorien. Cette innovation sera maintes fois reprise par les successeurs de Taverner, et tout d'abord par Christopher Tye et par John Sheppard qui emprunteront tous deux le même thème. L'autre composition qui a fait aussi école est la messe Gloria Tibi Trinitas dont le cantus firmus — ici grégorien — est traité de façon particulièrement heureuse dans la section du Benedictus commençant par les mots In Nomine Domini. Transcrit pour clavier dans une anthologie de Thomas Mulliner publiée vers le milieu du xvie siècle, ce fragment devait susciter jusqu'à Purcell inclus une descendance nombreuse de pièces pour orgue, virginal ou autres instruments de structure analogue et de même nom. De tels prolongements suffiraient à marquer l'impact de Taverner sur la musique de sa génération et des générations à venir, mais sa prééminence tient tout simplement au fait que les innovations qui traversent son œuvre de bout en bout font de lui un artiste qui a sa place dans l'histoire.

— Jacques MICHON

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Écrit par

  • : agrégé de l'Université, docteur ès lettres, professeur à l'université de Rouen, musicologue, chef d'orchestre

Classification

Pour citer cet article

Jacques MICHON. TAVERNER JOHN (1490?-1545) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • ANGLAIS (ART ET CULTURE) - Musique

    • Écrit par Universalis, Jacques MICHON
    • 6 879 mots
    • 8 médias
    ...des abbayes et des monastères, détruits en 1539 : beaucoup d'entre eux disparurent alors, exécutés en raison de leur foi ou simplement rejetés à la rue. Un petit nombre en réchappa, parmi lesquels John Taverner (1490 env.-1545), Christopher Tye (1505 env.-avant mars 1573), Thomas Tallis (1505 env.-1585)...

Voir aussi