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STEINBECK JOHN (1902-1968)

Les grands romans sociaux

Si le doute s'insinuait dans Des souris et des hommes, le grand souffle épique de la révolte le dissimule dans Les Raisins de la colère (The Grapes of Wrath, 1939) qui relate l'exode vers la Californie de fermiers endettés de l'Oklahoma, chassés par les grandes banques. La générosité de l'inspiration steinbeckienne, nourrie ici d'indignation autant que l'espoir, fait vibrer le style et exploser l'imagination en une multiplicité de références mythiques, l'Exode biblique, le sacrifice du Christ, la Vierge déesse mère nourricière, qui tentent de donner un sens à la tragédie des Okies. En fait, l'excessive abondance de ces justifications mythiques tend à dénaturer la vérité du sentiment en plaquant l'espoir théorique sur la réalité de la souffrance. En même temps, cela aboutit à une simplification des caractères et des problèmes posés. Mais on voit aussi se développer de nouveaux thèmes, celui en particulier du « groupe » et, au-delà, de la fraternité humaine des masses par opposition à un individualisme étriqué. Et c'est surtout la puissance des images, les descriptions de paysages, des forces élémentaires, qu'elles soient celles de la nature ou de masses d'hommes empoignés par la peur ou la colère, qui frappe. Un nouveau type de roman apparaît, le roman de masse – masse amorphe de chômeurs se mettant lentement et lourdement en marche –, roman brut, lui-même massif, tout d'une pièce et d'un seul mouvement. La référence au Déluge qu'on trouve à la fin dit bien la puissance grandissante, à la fois terrible et exaltante, de cette masse où se dessinent les premiers signes du mouvement.

Autres romans sociaux : En un combat douteux (In Dubious Battle), paru en 1936, a pour thème les grèves des saisonniers californiens, et, de moindre envergure, Nuits noires (The Moon is Down, 1942), qui se situe en Europe pendant l'occupation allemande, fait réapparaître la question du bien et du mal déjà posée dans Des souris et des hommes. On s'aperçoit alors qu'il y avait toujours eu, chez Steinbeck, sous l'apparente simplicité, une complexité morale. En fait, son imagination s'était constamment nourrie de contradictions internes. Elle va chercher maintenant à leur trouver une unité.

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Écrit par

  • : professeur de littérature américaine à l'université de Rennes-II

Classification

Pour citer cet article

Robert ROUGÉ. STEINBECK JOHN (1902-1968) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Média

John Steinbeck - crédits : Hulton Archive/ Getty Images

John Steinbeck

Autres références

  • ÉTATS-UNIS D'AMÉRIQUE (Arts et culture) - La littérature

    • Écrit par Marc CHÉNETIER, Rachel ERTEL, Yves-Charles GRANDJEAT, Jean-Pierre MARTIN, Pierre-Yves PÉTILLON, Bernard POLI, Claudine RAYNAUD, Jacques ROUBAUD
    • 40 118 mots
    • 25 médias
    ...politique se liguent pour exploiter le fermier, les hommes de lettres se révèlent passionnément agrariens. Frank Norris commence une épopée du blé et John Steinbeck vendange sur les vignes américaines les « raisins de la colère » (The Grapes of Wrath, 1939). Même le fermier embourgeoisé et presque...
  • LES RAISINS DE LA COLÈRE, John Steinbeck - Fiche de lecture

    • Écrit par Michel FABRE
    • 924 mots
    • 2 médias

    Le titre du neuvième roman de John Steinbeck (1902-1968), publié en 1939, renvoie à The Battle Hymn of the Republic, hymne antiesclavagiste composé en 1862 par la poétesse américaine Julia Ward Howe, et aussi au livre biblique, le Deutéronome. Son déroulement prend l'allure d'une tragédie nationale...

Voir aussi