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BOBROWSKI JOHANNES (1917-1965)

La jeunesse de Bobrowski a une importance déterminante pour son œuvre ultérieure dont elle fournit les thèmes majeurs et les images clés. Il est né à Tilsit. Ses ascendants paternels et maternels sont tous implantés dans la région qui se situe entre Vistule et Niemen, ils sont protestants et certains baptistes. Son père travaille aux chemins de fer et sa mère est fille d'un fondeur de cloches. L'enfance de Bobrowski s'écoule en Prusse-Orientale, il fréquente le prestigieux lycée de Königsberg dont les traditions remontent à Hamann et Kant et dont le directeur refuse jusqu'au bout d'adhérer au parti nazi. Il passe ses vacances sur les rives du Niemen où il rencontre des tziganes et des marchands ambulants juifs venant de l'intérieur de la Lituanie. Ce sont les lieux et les figures que l'on retrouvera le plus souvent dans ses livres. Il s'engage dans les mouvements protestants dès 1930 et plus tard prend une part active aux travaux de l'Église confessante de Prusse-Orientale (Bekennende Kirche) dont les publications sont interdites par les nazis. Il rencontre simultanément des jeunes travailleurs marxistes et assiste à des grèves et à des manifestations. Ses auteurs de prédilection sont à cette époque, comme dans sa maturité, Hamann, Herder et Klopstock. Il étudie aussi l'orgue et l'harmonie et projette de créer un cercle pour faire revivre la musique baroque de Königsberg. En 1937 il est happé pour douze ans par l'armée : service militaire, guerre en Pologne, en France et surtout sur le front russe dans les transmissions, puis captivité en U.R.S.S. Là, il suit deux cycles de cours antifascistes.

Le soldat Bobrowski cantonné au lac Ilmen prend pour la première fois du recul vis-à-vis de son pays natal et écrit un poème à la mémoire des premiers habitants de la Prusse exterminés par les chevaliers Teutoniques (Pruzzische Elegie). La persécution des juifs dont il raconte un épisode dans Le Danseur Malige (Der Tänzer Malige) lui ouvre les yeux sur les problèmes ethniques et politiques des confins germano-slaves. Désormais, il écrit pour effacer « la faute séculaire » des Allemands vis-à-vis de leurs voisins de l'Est. En d'innombrables poèmes qui ne furent réunis en volumes que fort tardivement, Époque sarmate (Sarmatische Zeit, 1961), Fleuves du pays des ombres (Schattenlandströme, 1962), il évoque les paysages, les forêts et les fleuves, la nuit et les oiseaux, des personnages fugaces et énigmatiques. Mais ces poèmes sont souvent hermétiques et leur lyrisme intense qui rappelle Trakl, rend leur interprétation difficile. Les recueils de nouvelles Boehlendorff et La Fête aux souris (Boehlendorff et Mäusefest, 1965, parus séparément en R.F.A.) traitent de sujets plus variés. On y trouve les organistes baroques, les amis de Kant, mais aussi Valéry. Là encore, l'auteur joue à dérouter son lecteur.

En 1964 Bobrowski se met à écrire des romans dont un seul paraîtra avant sa mort prématurée : Le Moulin à Levine (Levins Mühle, 1964) et Les Pianos lituaniens (Litauische Klaviere, 1966). Dans ces romans il essaie de détruire deux mythes du xixe siècle, celui de l'opposition des nationalités et celui de la supériorité culturelle des Allemands. Il sait par sa propre famille que les ethnies s'interpénètrent depuis des siècles, mais il croit à une opposition entre riches et puissants d'une part et pauvres de l'autre. Si la grande majorité des Allemands sont du côté du pouvoir, il y en a aussi quelques-uns parmi les pauvres au cœur droit. Ceux-là sont traités avec l'humour bienveillant d'un Jean Paul, tandis que les autres sont peints sur le mode de la farce. Le chant, la musique, l'amour, le bonheur, mais la tristesse aussi sont réservés au peuple qui n'a pas vendu son âme.

En 1966 paraît aussi un troisième volume de poèmes qu'il avait[...]

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Écrit par

  • : agrégée de l'Université, assistante à l'université de Paris-Sorbonne

Classification

Pour citer cet article

M.-T. CADOT. BOBROWSKI JOHANNES (1917-1965) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • ALLEMANDES (LANGUE ET LITTÉRATURES) - Littératures

    • Écrit par Nicole BARY, Claude DAVID, Claude LECOUTEUX, Étienne MAZINGUE, Claude PORCELL
    • 24 585 mots
    • 29 médias
    ...période émergent tout particulièrement les œuvres d'Anna Seghers (La Septième Croix, 1946 ; Les morts restent jeunes, 1949 ; La Décision, 1949) et de Johannes Bobrowski (1917-1965) dont les poèmes et le roman Le Moulin à Lévine mettent la conscience allemande face à ses responsabilités. Des émigrés...
  • GROUPE 47

    • Écrit par Pierre GIRAUD
    • 2 698 mots
    • 1 média
    ...parmi les moins contestables. Ajoutons enfin qu'il n'hésite pas à jeter un pont vers la littérature de l'autre Allemagne en décernant son prix pour 1962 à Johannes Bobrowski. Il remplit donc parfaitement l'une des missions que lui assignait son fondateur : découvrir et faire connaître de nouveaux talents....

Voir aussi