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MARAGALL JOAN (1860-1911)

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Le poète de l'amour

En vingt ans, il a écrit des centaines d'articles et prononcé quantité de conférences, il a traduit Goethe, Nietzsche, Schiller, Wagner, fait une adaptation poétique de Pindare, et surtout écrit une œuvre poétique considérable et novatrice. Pour lui, l'idéal de la poésie consiste à suggérer le monde avec une seule paraula viva. Cette « parole vivante » révélatrice, il faut la chercher chez le peuple ; le poète lui donne seulement une lumière plus vive. C'est dans une sorte de transe sacrée que le poète communie avec la Nature et avec ce qu'il y a de plus profond dans le cœur de chaque homme. Cela suppose de sa part un « état de grâce » et en même temps une très grande rigueur pour bannir tout ce qui est gratuit et superflu.

La semaine sanglante à Barcelone - crédits : Hulton Archive/ Getty Images

La semaine sanglante à Barcelone

Les sources d'inspiration chez Maragall sont multiples. La femme aimée (fiancée, épouse ou mère : Festeig, L'esposa parla, Conjugal...) est la source de la beauté, de l'inspiration, le refuge toujours sûr. Devant la Nature, le poète s'émerveille ; il s'identifie au paysage, en devient partie intégrante ; il est l'âme même de la Nature (MuntanyesPirinenques...) ; il s'interroge sur son dynamisme (Vistes al mar). Ce panthéisme anime toute la création : les fleurs (L'Anima de les Flors), les animaux (La Vaca cega, par exemple, « orpheline de lumière sous le soleil brûlant »), le ciel, les nuages, la mer, la plaine, les montagnes. Mais il s'intéresse tout autant aux hommes et, se voulant l'interprète de son peuple, s'attache à magnifier ces instants de communion collective que sont les fêtes : Pâques, la Fête-Dieu, Noël (El Pas de l'any, Triptic de l'any). Dans son recueil Cants, il glorifie La Sardana, la danse catalane où toutes les mains s'unissent fraternellement. Dans ces Cants palpite le sentiment patriotique de Joan Maragall : La Senyera (le drapeau catalan), Els Tres Cants de guerra, inspirés par la guerre et le désastre de Cuba, où il dénonce, dans l'Oda a Espanya, l'immobilisme, le conservatisme du pouvoir central. Les tragiques événements de 1909 connus sous le nom de « semaine tragique » lui inspirent l'Oda nova a Barcelona, dont le titre est une référence à l'Oda a Barcelona, de Jacint Verdaguer, écrite quelques années auparavant. Barcelone est lâche, cruelle, vulgaire, mais il l'aime. Dans le dernier de ces Cants, le Cant espiritual – celui qu'Albert Camus traduira en français –, Maragall s'adresse à Dieu : si le monde est déjà si beau, que peut-Il, le Seigneur, nous offrir dans une autre vie ? Il aime cette vie et craint la mort. Il demande enfin que la mort lui soit « une plus grande naissance ».

Cet amour de la vie et de ses joies, nous le retrouvons dans Visions, où il met en scène des personnages de légendes ou de l'histoire de la Catalogne. Si la lutte répugne à son caractère « qui cherche dans tout un centre d'harmonie et de sérénité », les lutteurs l'intéressent « parce qu'ils jouissent d'un aspect de la vie qui m'est inconnu », écrit-il. Dans ce recueil figure la légende de El Mal caçador, le mauvais chasseur, qui, condamné à courir éternellement derrière le gibier, s'écrie avec superbe : « Joyeuse est la sentence. » Dans L'Estimada de Don Jaume, il décrit la conquête de Majorque par Jacques le Conquérant comme une conquête amoureuse – l'île étant conçue comme une femme bien-aimée (estimada). La Fi de Serrallonga (La Fin de Serrallonga) nous présente un personnage historique, Joan Sala de Serrallonga, mi-bandit, mi-patriote, qui luttait au xviie siècle contre les troupes du roi d'Espagne et fut appréhendé et condamné à mort ; Maragall nous parle de sa dernière confession : avant d'être exécuté, il confesse ses péchés : l'orgueil, la cruauté, l'avarice, la luxure...,[...]

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Pour citer cet article

Mathilde BENSOUSSAN. MARAGALL JOAN (1860-1911) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Article mis en ligne le et modifié le 14/03/2009

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La semaine sanglante à Barcelone - crédits : Hulton Archive/ Getty Images

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    ...d'autres, nous fournit un bon exemple de ce mouvement. Les plus grands noms de l'époque, toutefois, n'ont qu'exceptionnellement pris part à ce mouvement. Joan Maragall, par exemple, a chanté, en adoptant des procédés proches de Goethe ou de Novalis, son expérience d'homme à la recherche d'une destinée personnelle...