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MARAGALL JOAN (1860-1911)

Poète, journaliste, traducteur, conférencier, Joan Maragall est un représentant typique de cette intelligentsia barcelonaise de la fin du xixe et du début du xxe siècle, issue de la bourgeoisie, et dont le dénominateur commun est un catalanisme ardent et un désir d'ouverture, non moins ardent, à tous les courants de pensée, à toutes les manifestations culturelles européennes. Les relations conflictuelles entre le pouvoir de Madrid et les aspirations régionalistes le conduisent à conclure que seul le fédéralisme peut être une solution satisfaisante pour l'Espagne. D'un christianisme à la Tolstoï – il fustige la charité impersonnelle des riches qui donnent aux œuvres pour s'acheter à bon compte une bonne conscience –, il a aussi une vision vaguement panthéiste – tout participe de tout – mais, en même temps, il considère que chaque individu est irremplaçable et qu'il faut défendre cette singularité. Il a été l'un des premiers à dénoncer dans ses articles les dangers d'un machinisme à outrance, du gigantisme des villes, de l'uniformisation de l'éducation, de l'importance croissante des armées. Il croit que le progrès consiste à aller du collectif à l'individuel, de la masse à la personne humaine. La pensée maragallienne allait donc à contre-courant des idéologies qui commençaient à se manifester alors. Et si jusqu'à nos jours c'est presque exclusivement sa poésie qui fait sa gloire, le Maragall penseur reste à redécouvrir.

Une vie harmonieuse

Joan Maragall naît à Barcelone, en 1860, au sein d'une famille de fabricants de textile. Après le baccalauréat, alors qu'il n'a que quinze ans, son père le met aux écritures dans le bureau de son usine. C'est là qu'il commence à écrire des poèmes, en cachette des siens. C'est sa façon de se révolter contre le destin qu'on lui impose. Il arrive cependant à convaincre sa famille qu'il ne sera jamais un bon industriel, et celle-ci finit par l'envoyer à l'université, à l'âge de dix-neuf ans, pour préparer une licence en droit. Années heureuses où le jeune Maragall assouvit sa passion pour la lecture. La littérature allemande surtout le passionne et il apprend la langue de Goethe pour lire son auteur de prédilection dans le texte ; il découvre aussi Dante, qui l'enthousiasme par sa puissance poétique, et Dickens, qui le touche profondément : ses goûts, on le voit, sont fort éclectiques. Il ne délaisse pas la poésie et, en 1881, gagne un prix aux jeux Floraux de Badalone.

Ses études achevées, le voilà condamné à devenir avocat, métier pour lequel il ne se sent en réalité aucun goût : « Moi qui voulais être poète comme Byron ou Heine », écrit-il à un ami. Mais ses poèmes commencent à être remarqués, et un des plus grands critiques de l'époque, José Yxart, parle, dans un article en 1892, du « presque inconnu Maragall » comme d'un espoir du renouveau poétique. Ce renouveau poétique est le mouvement « moderniste », fortement influencé en poésie par le symbolisme français et dont Maragall deviendra le plus grand représentant.

En octobre 1890, une chance inespérée s'offre à lui : le directeur du Diario de Barcelona, le plus important journal conservateur de la capitale catalane, l'engage à la fois comme secrétaire particulier et comme secrétaire de rédaction. Dès lors, il consacrera fort peu de temps à son métier d'avocat et beaucoup de temps à l'écriture. Il publie de nombreuses chroniques, aussi bien dans son journal que dans d'autres revues, et sur les thèmes les plus divers : critiques musicales – il est lui-même un assez bon pianiste, ami du compositeur Granados –, littéraires, sociales, politiques (sur le catalanisme, surtout, dont il est un ardent défenseur).

En 1891, Maragall se marie ; il a trente[...]

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Écrit par

Classification

Pour citer cet article

Mathilde BENSOUSSAN. MARAGALL JOAN (1860-1911) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Média

La semaine sanglante à Barcelone - crédits : Hulton Archive/ Getty Images

La semaine sanglante à Barcelone

Autres références

  • CATALOGNE

    • Écrit par Mathilde BENSOUSSAN, Christian CAMPS, John COROMINAS, Marcel DURLIAT, Robert FERRAS, Jean MOLAS, Jean-Paul VOLLE
    • 22 274 mots
    • 8 médias
    ...d'autres, nous fournit un bon exemple de ce mouvement. Les plus grands noms de l'époque, toutefois, n'ont qu'exceptionnellement pris part à ce mouvement. Joan Maragall, par exemple, a chanté, en adoptant des procédés proches de Goethe ou de Novalis, son expérience d'homme à la recherche d'une destinée personnelle...

Voir aussi