Abonnez-vous à Universalis pour 1 euro

MORIN JEAN (1610 env.-1650)

Parmi les artistes qui illustrèrent la gravure française au xviie siècle, il en est peu qui soient autant appréciés des amateurs d'estampes que Jean Morin et dont l'existence soit aussi obscure. On ne connaît avec certitude que la date de son décès, à Paris, au mois de juin 1650. On suppose qu'il serait né dans les années 1610, puisqu'on nous dit qu'il mourut « fort jeune » et que son œuvre, relativement peu abondant pour un aquafortiste, donne tout son éclat dans les années 1640.

Il aurait d'abord été peintre, apprenant son art auprès de Philippe de Champaigne, et, selon Pierre-Jean Mariette, se serait « insensiblement » mis à la gravure. Il est vrai que sa manière est tout à fait celle d'un peintre, avec son refus des lignes trop marquées et son souci des modulations de teintes et de lumières. Il n'y avait alors à Paris — dont Morin, semble-t-il, ne s'absenta jamais — personne pour lui enseigner ce type de travail, et il faut croire que c'est dans l'atelier de Champaigne, où devaient affluer les estampes flamandes issues de l'entourage de Rubens, qu'il acquit son propre métier. Le vocabulaire graphique qu'il utilise est en effet celui des Anversois éduqués par Rubens, à la différence que Morin ne se sert du burin que comme d'un complément à une eau-forte déjà chatoyante. Aussi doit-on considérer que le véritable maître de Morin fut Anton Van Dyck, par le truchement de ses rarissimes portraits gravés dans les années 1630, avant que le brio de leur eau-forte ne fût atténué par leur finition au burin.

Sur les quelque cent pièces que grava Jean Morin, ce sont surtout les portraits, soit la moitié de l'œuvre, qui ont fait sa renommée, même si ses paysages, au nombre d'une vingtaine — qu'il les ait composés lui-même ou qu'il ait interprété Jacques Fouquières comme dans la Chasse au canard, Bibliothèque nationale, Paris —, méritent l'attention et le respect. Mais il est vrai que les portraits sont superbes. Trente d'entre eux sont exécutés d'après Philippe de Champaigne, dont Morin — qui vivait dans son ombre — fut l'interprète favori avant que Nanteuil ne prît le relais. Ainsi les portraits du libraire Antoine Vitré, du Cadet à la perle, du cardinal de Richelieu sont-ils, entre autres, dignes d'être remarqués. Mais s'il ne grava que quatre fois d'après Van Dyck, ce ne fut pas avec une moindre réussite, comme en témoigne la saisissante effigie du cardinal Guido Bentivoglio.

La plupart des imitateurs de Morin le trahirent en se contentant d'un pointillé plus ou moins habile. Mais d'autres comprirent ses leçons. Nanteuil, par exemple, bien que buriniste, sut parfaitement saisir et assimiler à sa propre manière le jeu pointilliste de Morin, et c'est probablement de lui qu'il tient son sens du modelé et de la fusion picturale des différentes tailles entre elles, le tout baignant dans une douce lumière sans contrastes brutaux.

— Maxime PRÉAUD

La suite de cet article est accessible aux abonnés

  • Des contenus variés, complets et fiables
  • Accessible sur tous les écrans
  • Pas de publicité

Découvrez nos offres

Déjà abonné ? Se connecter

Écrit par

  • : archiviste-paléographe, conservateur en chef à la Bibliothèque nationale

Classification

Pour citer cet article

Maxime PRÉAUD. MORIN JEAN (1610 env.-1650) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Voir aussi